PROPOSITION #6

Les instances de concertation : un rôle central dans la vie des institutions

Lors du Forum Ouvert « En 2015, quelles actions et quels projets souhaitez-vous expérimenter au regard des droits culturels ? » organisé dans le cadre de la démarche Paideia les 26 et 27 novembre 2014 à la Condition Publique de Roubaix, il a été proposé de « Développer les droits culturels en institution ». Les 1ères études de cas réalisées ont montré la nécessité d’axer les analyses sur les instances de concertation en institution.
Dès lors, un groupe constitué d’acteurs sociaux du Département s’est organisé pour réaliser de nouvelles études de cas portant plus spécifiquement sur le fonctionnement des instances de concertation en institution. Les enseignements tirés de l’ensemble des cas analysés au regard des droits culturels ont permis d’élaborer cette proposition.
Au fil du travail, l’analyse de ces instances au regard des droits culturels s’est avérée une nécessité puisqu’elles sont, si ce n’est en acte au moins en principe, des lieux d’interactions multiples entre une diversité d’acteurs dont les points de vue doivent compter.

« Le CVS a été instauré par la loi 2002-2 du 02/01/2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Le décret du 25/03/2004 en fixe les contours obligatoires depuis le 27/09/2004 : C’est une instance consultative et de dialogue entre les résidents, les familles et les professionnels. Le CVS fait des propositions sur toutes les questions liées à la vie de l’établissement. La mission des parents comme des professionnels est d’être attentifs à la parole des résidents mais aussi de faire émerger les initiatives. Il a également pour mission de tenir informé le résident et sa famille des projets menés par l’établissement : travaux d’amélioration, restructuration, nouveau matériel, tarifs etc. » [Extrait du Cas d’ecole N41]

« Revenir aux fondements de la démocratie, de ses objectifs comme de ses structures de gouvernance, c’est relire notamment l’ensemble des droits de l’homme, car ce ne sont pas que des idéaux et des normes juridiques, ce sont les structures de la vie quotidienne qui sont en jeu ainsi que toutes les relations de pouvoir et de responsabilité. C’est capital et ça fait peur ou hausser les épaules : trop idéaliste, trop normatif. C’est pourtant le contraire, puisque c’est la source de nos libertés concrètes. […] Les libertés et droits fondamentaux indiquent des valeurs à atteindre, des ressources à respecter et des processus à mettre en œuvre, pour garantir l’efficacité du « jeu des libertés » qui constitue l’essence démocratique. Libertés d’expression, d’information, d’association, sont bien des instruments structurants de toute vie démocratique. […] Certains voudraient croire que le processus démocratique est neutre, alors qu’il se fonde sur le développement d’une culture du débat bien instruit, et pas seulement sur le maintien d’un échange tolérant d’opinions. […] Nous avons besoin, dans toute communauté politique d’aller capturer de nouvelles idées concrètes parce que bien appropriées, concrètes parce qu’assez complexes tout en étant audibles, lisibles, tangibles. Pour relever ce défi, il est nécessaire de chercher plus d’intelligence collective » [Meyer-Bisch, 2015, p. 102-103]

DÉPLOIEMENT DE LA PROPOSITION

ENJEUX

Développer la vie démocratique d’une institution
  • Garantir l’effectivité des droits des personnes : Faire que toute entrée dans les structures d’accueil ne soit pas synonyme de perte de libertés, de responsabilités et de droits en appliquant les lois relatives à la mise en oeuvre des instances de concertation au sein des institutions (droit de choisir et voir respecter son identité culturelle et de participer à la vie culturelle)
  • Redonner du sens à la vie démocratique d’une institution : faire que les instances de concertation ne soient pas factices et assurer une contribution effective des professionnels et des personnes accueillies (droit de choisir et voir respecter son identité culturelle et de participer à la vie culturelle)
Renforcer les conditions du développement des capacités à prendre part
  • Favoriser la compréhension par tous de la teneur des débats : informer les personnes de toute décision qui les concernent et s’assurer qu’elles aient accès aux éléments de compréhension de ce qui est discuté dans les instances de concertation (droit à l’information et la formation, droit de participer et d’opérer des choix en conscience)
Savoir reconnaître et valoriser les ressources d’un lieu de vie
  • Renforcer l’implication des personnes dans la vie culturelle des institutions en s’appuyant sur leurs propres ressources et compétences ; (droit de choisir et voir respecter son identité culturelle, de connaître d’autres cultures, de participer à la vie culturelle d’une institution)
Veiller à la diversité des modes d’expression
  • Développer une attention constante à toute forme d’expression des personnes : diversifier les vecteurs d’expression des personnes au sein des institutions et prendre en compte leur expression au-delà des seules instances de concertation ; (droit de choisir et voir respecter son identité culturelle et de participer à la vie culturelle d’une institution)

« La notion de « culture » y est comprise au sens large et fondamental, recouvrant « les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement » (art. 2, Déclaration des droits culturels, 2007). Par cette définition, nous sortons d’une approche restreinte de la culture et des simples logiques « d’accès » ou « de consommation » au profit d’une compréhension des droits et libertés de toute personne de participer à la connaissance, à la pratique, à la diffusion et au développement de ressources culturelles, des plus quotidiennes aux plus exceptionnelles. Seule cette approche respecte les droits fondamentaux ainsi que les responsabilités que chacun est appelé à exercer, « seul ou en commun ». C’est un accomplissement nécessaire de la citoyenneté qui est au fondement de nos démocraties dans l’exercice de responsabilités collectives et partagées. Cette compréhension est à la base d’une reconnaissance réciproque de la dignité de chacun » [Publication Paideia, 2015, p. 4]

 

 

« Je crois qu’il y a une déconnexion entre l’administration et l’ensemble des personnes à qui elle « rend service ». Il faut les reconnecter. La démarche des droits culturels permet cela. L’administration ne peut être déshumanisée. Elle est composée de personnes qui vivent le territoire. Cette réalité doit être mise à profit pour que le moindre règlement, le moindre service soit avant tout mis en oeuvre comme un service au service des habitants. C’est cela qui définit l’administration. Son existence n’a de sens que dans son rapport à l’homme. Sans habitant, il n’y a pas besoin d’administrer. […] Ce qui nous intéresse avant tout, c’est la diversité humaine. Comment administrer en respectant cette diversité ? En en faisant un élément fondamental du corpus du service public, et non pas en cherchant à la canaliser dans un système où administrer se limiterait à multiplier les systèmes « désincarnés », et des répondeurs du type « Vous êtes une personne âgée, faites le 1, une personne handicapée, faites le 2, etc. ». […] Aujourd’hui, reprendre les actes quotidiens et les réfléchir au regard des droits de l’homme nous permet vraiment de reposer les bases du pourquoi on administre, pour qui on administre et comment…» [L’Herminier, 2015, p. 14]

« Trop souvent négligés, les facteurs culturels sont une condition essentielle à l’exercice effectif et adapté de l’ensemble des droits de l’homme, ainsi que de toutes les libertés et responsabilités qui y sont associées. Par exemple, le droit au travail est conditionné non seulement par la formation, mais aussi par toutes les dimensions de l’épanouissement de la personne ; il en va de même du droit à la santé, aux libertés d’expression, d’association, à la justice, etc. […] L’innovation sociale et territoriale repose également sur l’intelligence des territoires, qui est la capacité de repérer, d’évaluer, de valoriser et de mettre en liens toutes les ressources humaines, naturelles et structurelles présentes dans ce territoire, en tenant compte de ses différentes échelles géographiques et temporelles. La mobilisation des ressources est conditionnée par le partage des savoirs. Un territoire n’est pas une île, sa valorisation se joue aussi à chacune de ses frontières. » [Appel pour une démocratie de proximité, Publication Paideia, 2015, p. 8-9]

PROBLÉMATIQUES

Diversité des espaces possibles de débats sous-estimée
  • Sous-estimation du potentiel des espaces collectifs : Tension entre la préservation du calme, de l’ordre, de la tranquillité au sein des institutions et l’incitation à l’expression publique et aux désaccords. Comment se saisir des espaces collectifs comme des lieux pouvant faire « place publique » dans laquelle il est possible de solliciter, consulter, débattre, discuter, s’exprimer et ainsi enrichir les instances de concertation ?
  • Manque de concertation en dehors des instances officielles : Tension entre l’expression collective issue des instances officielles de concertation et la prise en compte de l’expression des personnes dans le quotidien.
Artificialité des instances de concertation :
  • Complexité de mise en œuvre d’instances de concertation effectives : tension entre la prise en compte des nombreux freins à la concertation parmi lesquels le manque de maîtrise des codes institutionnels et/ou de la langue française, la peur des représailles, le déficit de connaissances ou de facultés pour juger, le sentiment d’inutilité et de dépendance éprouvé dès lors que le pas de la structure d’accueil est franchi, et la mise en oeuvre effective de celle-ci.
  • Manque de temps pour préparer la concertation : tension entre le rythme effréné du travail des professionnels au quotidien et le temps nécessaire à la préparation des instances de concertation.
  • Déficit de représentativité au sein des instances : tension entre les revendications individuelles et/ou la prise en compte des avis minoritaires au sein d’une structure de vie collective et les préoccupations de la vie commune fonctionnant à la majorité des voix exprimées.
  • Désaccords des corps de métiers : tension entre le temps nécessaire à l’expression des points de vue contradictoires des professionnels et l’urgence des décisions à prendre pour assurer les soins nécessaires aux personnes accueillies.
Déficit d’informations
  • Manque d’informations sur les instances décisionnelles d’une institution : tension entre la nécessaire multiplication des instances de concertation au sein d’une institution et le fait d’assurer que toutes personnes impliquées et concernées puissent être informées de leur pouvoir, de leur fonctionnement, des débats et de leurs conclusions.
  • Défaillance des outils ressources : tension entre la nécessaire capitalisation des données par le biais d’outils informatiques et la nécessité de développer d’autres outils assurant le relais en cas de défaillance (ex. Projet de Soin Informatisé – PSI) ?

« Le recueil des informations ne suffit pas, encore faut-il les traiter et comprendre pourquoi telles activités fonctionnent et telles autres non. En conjuguant ces efforts, il est alors possible, avec les habitants concernés, les professionnels des institutions et d’autres acteurs partenaires, d’opérer une traduction politique : tracer des principes synergiques. Il convient que tous se réapproprient la « chose publique », l’État, à condition de le comprendre, selon la formule de Dominique Schnapper, comme la communauté des citoyens » [Meyer-Bisch, 2015, p. 103]

« La question essentielle qui se pose aux politiques publiques est la crise démocratique. Nos États de droit, fondés sur la démocratie, peuvent-ils se contenter durablement, et sans risque, de fonctionner sur une représentation démocratique tronquée par l’abstentionnisme et le populisme ? Nous avons eu la réponse début janvier, malheureusement. Au travers de cette question, c’est celle de la relation entre individus, et entre les citoyens et leurs institutions, qui est posée. C’est la question collective du « vivre ensemble », la question de l’autre, la question du « faire société ». C’est l’enjeu de l’éducation, de l’émancipation, de la citoyenneté, de l’identité. C’est la question des droits, du droit à la liberté et à la dignité que nous devons affirmer. Le lien entre culture et humanité est indissociable. Autant de débats qui doivent être revendiqués comme avant tout culturels » [Pourret, 2015, p.27]

« L’apport essentiel de cette démarche est d’inscrire ces droits culturels dans le système des droits humains fondamentaux, en tant que condition de leur exercice. Ainsi, serait en situation de handicap culturel une personne qui ne disposerait pas des clés de lecture de son environnement social, administratif, économique, ou qui ne maîtriserait pas les codes de la communication et des relations sociales ni ne pourrait se faire correctement comprendre. Ce handicap peut être d’ordre linguistique (illettrisme par exemple), mais aussi lié à des carences de formation, au manque d’accès à une information adéquate, à l’adhésion à des croyances ou à des valeurs socialement déconsidérées, limitant les capacités de la personne à se soigner, à se loger, à se former, à trouver un travail ou à se distraire. On sait que cette discrimination risque de générer des phénomènes d’exclusion, de relégation sociale ou territoriale, voire des replis identitaires dont on peut aujourd’hui mesurer les effets catastrophiques » [Gautier, 2015, p. 21-22]

MISE EN ŒUVRE

Créer une dynamique d’intéressement des personnes
  • Oeuvrer pour que toute personne accueillie au sein d’une institution soit en mesure de comprendre son fonctionnement ; (N41)
  • Concevoir l’accueil des personnes comme un processus en plusieurs étapes et laisser aux personnes le temps nécessaire pour s’approprier leur lieu de vie ; (N41)
  • Clarifier les procédures d’élection des représentants siégeant dans les instances de concertation et s’assurer que l’ensemble des personnes impliquées et/ou concernées en soit informé ; (N41)
  • Clarifier le processus des instances de concertation (PVI ou CVS) pour impliquer les personnes concernées dans ces diverses étapes ; (N42)
  • Oeuvrer pour que les personnes impliquées et/ou concernées par les instances de concertation soient en capacité d’opérer des choix sans se départir de la complexité de ce qui entre en ligne de compte dans la prise de décision collective ; (N41 – N42)
  • Organiser, dans des lieux conviviaux, les réunions de préparation nécessaires aux instances de concertation et faire en sorte qu’elles soient ouvertes à toute personne désirant s’y impliquer (élue ou non) ; (N41)
  • Communiquer largement sur les décisions des instances de concertation, notamment dans les lieux à usage collectif ; (N41)
  • Organiser des moments conviviaux permettant au personnel, aux représentants élus des instances de concertation, aux familles et aux résidents de se rencontrer et de communiquer ; (N41)
Alimenter les instances de concertation en ressources multiples
  • Prendre en compte, dans l’élaboration du Projet de Vie Individualisé, l’histoire de vie, l’environnement, l’état de santé mentale et physique des personnes ; (N42)
  • Permettre aux résidents de s’associer selon leurs propres choix à d’autres personnes (de leur famille ou non) pour élaborer leur projet de vie au sein des institutions ; (N42)
  • Faire que les points de vue de toute personne concernée par les instances de concertation (PVI ou CVS) puissent être exprimés, développés et croisés quand bien même ils seraient contradictoires ; (N42)
  • Chercher à associer au travail de concertation (PVI ou CVS) toute personne pouvant constituer une ressource complémentaire aidant à la prise de décision ; (N41 – N42)
  • Ouvrir les instances de concertation aux personnes extérieures à la structure et désireuses de s’y impliquer bénévolement (N41)
  • S’associer à d’autres structures pour partager et échanger sur les actions développées dans le cadre de la mise en oeuvre des instances de concertation ; (N41)
  • Développer les outils informatiques existants (ex. PSI) pour améliorer leur efficience en termes de recueil des données, de classement et de modalités de transmission ; (N42)
  • Veiller à ce que la masse d’informations que contient le PSI ne supplante la relation avec les personnes elles-mêmes ; (N42)
Chercher la complémentarité du rapport individu-collectif

• Une dynamique de décentrement – recentrement

  • Prendre en compte l’importance des dimensions culturelles dans les relations de soins et le respect de la dignité des personnes. Prêter attention aux représentations associées à une forme d’ethnocentrisme ou à une posture dominante ; (N36)
  • Développer entre personnes accueillies et professionnels toutes formes d’échanges sur leurs propres références culturelles pour favoriser l’interconnaissance et un accompagnement approprié ; (N36 – N42)
  • Favoriser toute action permettant que l’entrée d’une personne au sein d’une institution ne s’opère pas au détriment de son propre développement et de ce qui donne sens et signification à son existence ; (N36)
  • Développer les liens entre professionnels des établissements d’accueil et les professionnels de l’accompagnement à domicile pour favoriser le continuum de vie des personnes ; (N42)
  • Veiller à ce que ce soit les structures qui s’adaptent aux personnes plutôt que les personnes qui s’adaptent aux structures, notamment lorsque celles-ci deviennent leur lieu de vie ; (N42)

• Une dynamique d’actions collectives

  • Organiser des groupes de paroles, de débats, de partage de savoirs sur des thématiques proposées par les personnes impliquées et/ou concernées dans la vie d’une structure d’accueil ; (N41)
  • Organiser, via le comité d’animation composé de membres du personnel, de résidents, de familles et de bénévoles, des programmes d’activités concertés au sein de la structure et/ou en dehors ; (N42)
  • Pouvoir organiser, en dehors des instances de concertation officielles, des réunions régulières entre professionnels et personnes accueillies dans le but de repérer des problèmes et d’initier des actions collectives pour les résoudre ; (N36)
  • Favoriser le dialogue direct des groupes menant des actions collectives avec tout acteur exerçant un pouvoir de décision (représentants des instances de concertation, personnels de direction, élus locaux etc.) ; (N36)
Travailler au « faire commun » en diversifiant les modes d’expression, de relations et de médiation
  • Développer l’accompagnement des personnes représentant les résidents au sein des instances de concertation ; (N41)
  • Développer des méthodes et outils pédagogiques permettant aux personnes concernées par la vie de la structure d’accueil d’appréhender les sujets abordés aux sein des instances de concertation, de préparer les argumentaires et de s’exprimer en public ;
  • (N41)
  • Se saisir de toutes les occasions où les personnes accueillies s’expriment sur leurs problématiques individuelles et/ou sur la vie de l’institution ; (N41)
  • Développer les projets culturels au sein des structures d’accueil puisqu’ils sont considérés comme vecteur efficient d’expression des personnes ; (N36 – N41- N51)
  • Prêter attention à tous les détails techniques (ex. sonorisation, projection etc.) qui participent au bon déroulement des séances de concertation ; (N41)
  • Soutenir le fonctionnement des instances de concertation en créant un poste dédié à leur mise en oeuvre au sein de chaque structure ; (N41)

« Quelle que soit l’ampleur de l’initiative ou la teneur du projet, sa réussite dépendra de la cohérence entre les objectifs et les moyens déployés. Un organe de concertation et de suivi, impliquant une diversité de compétences, de sensibilités et de personnes concernées par l’initiative et ses retombées, est une garantie pour ne pas perdre de vue cette cohérence et permettre la durabilité de l’action et de ses effets. En termes de droits culturels, il s’agit d’assurer le développement du droit de participer à l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des décisions qui concernent et ont un impact sur l’exercice des droits culturels et des droits humains (art. 8), ainsi que de prendre part à la coopération. Un organe mixte est un espace de dialogue qui contribue à la bonne gouvernance de l’initiative (légitimité vers l’extérieur). Il est un espace important de soutien et de renforcement pour les porteurs du projet (complémentarité et échanges de savoirs, art. 7) » [Les organes mixtes de concertation, introduction aux 12 propositions du Nord]

« Les études de cas qui portaient à la fois sur des projets culturels et non culturels ont été l’occasion de mettre en commun une réflexion au-delà des clivages habituels, mêlant différents domaines d’intervention, différents territoires, élus et services, administrations publiques et acteurs de la société civile, croisant ainsi des points de vue, des expériences et des savoirs aussi divers que complémentaires. Toute politique publique gagnerait à se travailler ainsi, dans le dialogue et la confrontation des points de vue, entre collectivités publiques des différents échelons, avec les acteurs de terrain et les habitants – citoyens, hors de tout corporatisme » [Gautier, 2015, p. 22]

CAS D’ÉCOLE

Action culturelle avec la PMI de l'Alma gare à Roubaix – N36

Observateur(s) : Carine Guilbert (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord – Insertion

Résumé : Dans le cadre de la politique d’insertion par la culture du Département, sont soutenues depuis plusieurs années des actions culturelles pendant les suivis médicaux apportés aux enfants de 0 à 6 ans afin de créer du lien social et faciliter l’intégration. L’équipe médico-sociale est impliquée de manière forte et originale ce qui ouvre également à d’autres relations aux personnes que celles développées dans un accompagnement plus « classique ».

Ce cas d’école analyse comment ce type d’action culturelle développée au sein d’une PMI permet une plus grande effectivité des droits culturels de toutes les personnes concernées et impliquées par l’accompagnement social.

Les conseils de Vie Sociale (CVS) – N41

Observateur(s) : Véronique Bailleul (contact)

Institution : Centre hospitalier – EHPAD

Résumé : Au sein d’un EHPAD, le Conseil de Vie Sociale (CVS) est une instance de concertation et de dialogue entre les résidents, les familles et les professionnels. Le CVS fait des propositions sur toutes les questions liées à la vie de l’établissement. La mission des parents comme des professionnels est d’être attentifs à la parole des résidents mais aussi de faire émerger les initiatives créatrices de projets. Il a également pour mission de tenir informé le résident et sa famille des projets menés par l’établissement : travaux d’amélioration, restructuration, nouveau matériel, tarifs etc…. Dans le cas étudié, Le CVS a remplacé le conseil d’établissement. Il a dans un premier temps été mis en place conformément au texte. Toutefois, puisqu’il est question de représentativité et d’échanges, la composition a été augmentée et modifiée.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels comment l’expression de la diversité des points de vue exprimés sur l’organisation de la vie quotidienne au sein d’un EHPAD est prise en compte par le biais de la mise en œuvre d’un Conseil de Vie Sociale.

Le projet de vie individualisé (PVI) – N42

Observateur(s) : Fatiha Belmonte, Catherine Mulliez, Nadia Lemdani (contact)

Institution : EHPAD

Résumé : Le Projet de Vie Individualisé (PVI) est un outil qui permet un accueil personnalisé de chaque résident au sein d’un EHPAD. Il est élaboré et réévalué par l’équipe pluridisciplinaire et tient compte de l’histoire de vie de la personne, de son environnement, de son état de santé physique et mentale. Il permet de mieux connaître la personne âgée, de suivre son évolution et de transmettre des informations.

Ce cas d’école analyse la mise en œuvre des PVI dans une EHPAD au regard des droits culturels et en interroge les failles comme les bénéfices pour l’amélioration des conditions de vie des résidents.

Mise en place d'une résidence d'artistes dans un Institut d'Education Motrice – N51

Observateur(s) : Nicolas Genestin, Corine Pruvot (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord – Compagnie le Talus

Résumé : Ce projet global vise à mettre en place des conditions de respect des personnes, dans leur histoire, leur culture, leur intimité et leur dignité, valeurs portées par le projet institutionnel l’Institut d’Education Motrice (IEM). Par le biais de la résidence d’artiste, la Direction concrétise son envie de faire entrer la culture dans l’établissement et sa volonté de proposer des offres culturelles mixtes ou partagées. Pour l’établissement, ce projet doit aider à donner une image positive d’eux-mêmes aux personnes en situation de handicap, à leur famille, dans le quartier, la ville.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels ce que l’accueil d’une résidence d’artiste développant des pratiques artistiques avec les résidents et le personnel de l’établissement génère sur la qualité de vie au sein de l’IEM.

ANALYSE D’UNE PRATIQUE

Récit de la pratique N41

« Le CVS a été instauré par la loi 2002-2 du 02/01/2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Le décret du 25/03/2004 en fixe les contours obligatoires depuis le 27 /09/2004 : C’est une instance consultative de concertation et de dialogue entre les résidents (nous utiliserons le terme « résident » car l’EHPAD est un lieu de vie, la loi 2002-2 utilise « droit usagers »), les familles et les professionnels. Le CVS fait des propositions sur toutes les questions liées à la vie de l’établissement. La mission des parents comme des professionnels est d’être attentifs à la parole des résidents mais aussi de faire émerger les initiatives créatrices de projets. Il a également pour mission de tenir informé le résident et sa famille des projets menés par l’établissement : travaux d’amélioration, restructuration, nouveau matériel, tarifs etc….

Dans le cas présent, Le CVS a remplacé le conseil d’établissement. Au fil des années, nous avons souhaité que cette instance soit basée sur l’échange et l’expression des résidents (leur satisfaction, leurs besoins, leurs attentes …).

Les élections, conformément au texte, ont lieu tous les trois ans.

Pour le collège des résidents : un courrier explicatif est transmis à l’ensemble des résidents, un agenda est fixé pour le recueil des candidatures, une réunion d’information regroupant tous les résidents et familles intéressés est organisée.

Pour le collège familles, un courrier précisant ce qu’est un CVS est adressé à chaque représentant familial avec la possibilité de se présenter. La même démarche est organisée pour les représentants légaux.

Les listes des candidats sont élaborées. Les élections ont lieu toute une journée avec le matériel électoral prêté par la ville. Un compte rendu des élections est effectué, suivi d’un affichage des représentants élus. On établit ensuite la composition du CVS.

L’ordre du jour est défini par le Directeur car très peu de résidents ont la faculté nécessaire à l’établir voire à proposer des thèmes. Les convocations sont faites par le secrétariat de direction à l’initiative du Directeur, elles suivent notamment le calendrier budgétaire.

Depuis 2013, la personne chargée des relations avec les usagers a mis en place les réunions préparatoires afin de favoriser l’expression des résidents et l’information auprès des familles mais également s’assurer de la compréhension des deux parties. Elle fait le compte rendu de réunion et transmet éventuellement aux professionnels concernés les dysfonctionnements mentionnés.

Les réunions préparatoires se déroulent dans la cuisine thérapeutique, lieu plus familier pour les résidents et les réunions du CVS dans la salle du conseil d’administration pour des raisons sécuritaires (nombre de personnes autorisées). Les réunions préparatoires et du CVS durent en moyenne 2h30 à raison de trois par an minimum.

Les membres sont invités dans un premier temps à la réunion préparatoire par un carton d’invitation remis en main propre. L’ensemble des résidents et familles est informé de la réunion du CVS par voie d’affichage et sur le site internet de l’établissement environ 10 jours à l’avance avec rappel des référents (dans le but de susciter les échanges entre familles). A noter également que le CVS de cet EHPAD se compose de 4 résidents élus titulaires et 3 suppléants ce qui est supérieur aux recommandations. De même pour les familles, deux familles élues et deux membres consultatifs.

La personne chargée des relations avec les usagers est également la secrétaire de direction, ce qui peut favoriser des confusions ou incompréhensions de la part des résidents. Lors des CVS, les votes s’effectuent à main levée. Seules les personnes élues ont le droit de vote, les autres membres au CVS sont présents à titre consultatif »

Articles 3a et 3b
  • Le CVS est censé être un lieu d’expression par excellence. Toutes les personnes rencontrées par la chargée des relations usagers et désireuses de participer (élue ou pas) aux réunions préparatoires peuvent le faire. Le droit à l’expression est effectif notamment lors des réunions préparatoires (depuis 2013). Les problématiques individuelles peuvent y être évoquées. Des actions adaptées sont alors mises en place via le PVI.

Limites : Entrer en EHPAD signifie pour beaucoup perte de liberté, perte de leurs « droits » et par conséquence leurs droits d’expression. Cela est lié à un sentiment d’inutilité, une baisse d’estime de soi, renforcé par une dépendance entrainant la peur de représailles si l’on évoque un quelconque désaccord ; Fonctions cognitives altérées ; Manque de prise de conscience de représenter un ensemble ; Logique institutionnelle et organisationnelle ne permet pas toujours le respect des cultures, certains résidents d’origine étrangère ne comprennent pas les documents remis (règlement de fonctionnement, contrat de séjour, livret d’accueil…). Un effort particulier est en cours pour rendre ces documents plus accessibles.

[Art. 3a et 3b – L’analyse montre qu’organiser une instance de concertation comme le CVS est nécessaire mais non suffisant. Les conditions favorisant l’expression des personnes sont d’autant plus complexes à mettre en œuvre que l’expression des personnes elles-mêmes l’est également. Il apparaît plus clairement comment l’effectivité du droit à l’expression singulière est relié à la prise en compte de la diversité culturelle. Reste qu’une expression singulière ne doit pas être confondue avec une expression individualiste – Art 5]
Article 3c
  • A chaque nouvelle entrée l’infirmière du service est chargée avec l’aide-soignante référente de compléter l’histoire de vie du résident afin de mieux adapter la prise en soin. A partir d’histoire singulière on essaie de faire des liens et d’impliquer davantage le résident.
[Art. 3c – L’analyse permet de saisir le droit au patrimoine culturel comme une condition d’implication des personnes dans leurs relations à soi et l’autre, aux activités (de soin, alimentation, santé, logement…) aux choses etc. ]
Article 5
  • Sollicitation des résidents pour qu’ils participent aux animations que propose la structure. A travers ces actions nous avons une meilleure connaissance des résidents et de leur désir.

Au CVS siège à titre consultatif la chargée de la vie sociale, animative et culturelle afin de développer des projets en adéquation avec le souhait des résidents. Les membres du CVS sont amenés à donner leur avis. Dans les faits, ils entérinent souvent les décisions déjà prises par la direction (cf Art. 3a). Les résidents sont rarement source de proposition, ils restent centrés sur eux même. Parfois quelques familles manifestent leur désaccord, leur doute.

La mise en place de réunions préparatoires permet une meilleure compréhension de l’ordre du jour, par exemple le fonctionnement budgétaire de l’EHPAD (adaptation du vocabulaire et simplification des tableaux budgétaires avec mise en évidence des principaux chiffres). La Chargée des relations usagers n’a pas la possibilité de rencontrer chaque nouvelle entrée pour préciser le rôle du CVS et le droit à chacun d’y participer ou de se faire représenter. Il manque une aide à la compréhension pour les résidents et familles d’origine étrangères. Les conditions matérielles sont à prendre en compte pour faciliter la communication (ex. micro amplifié pour pallier aux problèmes auditifs)

[Art. 5 – L’analyse montre la dynamique des droits culturels en partant de la notion de participation : la mise en œuvre des conditions permettant la participation des personnes (art. 6 et 7) a un effet sur leur expression (art. 3a-c), ce qui impacte la prise de conscience de la diversité culturelle (art 3b) renforçant la participation… etc.]
Articles 6 et 7
  • L’existence du CVS n’est pas suffisamment explicitée lors de nouvelles entrées : une 1ère rencontre a lieu avec plusieurs professionnels lors de l’entrée. Présentation de l’équipe soignante et d’animation qui remet le programme d’animations mensuelles ainsi qu’un cadeau de bienvenue. Une rencontre individuelle à distance de l’entrée pourrait être prévue afin d’apporter les informations administratives (or pour valider une entrée, les documents doivent être signés avant…). Une information spécifique sur ce qu’est un CVS serait un plus. Cela favoriserait une meilleure communication entre les familles ainsi que les membres élus. Recherche constante de simplification de l’information afin qu’elle soit accessible aux personnes présentes avec pour objectif de créer des discussions, des échanges autour du sujet abordé.

Les comptes rendus des CVS ne sont transmis qu’aux membres élus. Nous pourrions proposer des rencontres familles/soignants/résidents sur des thématiques spécifiques.

[Art. 6 et 7 – Ces analyses mettent particulièrement en exergue le lien entre information et formation afin d’avoir les conditions nécessaires à la compréhension des enjeux des débats et de pouvoir y participer – Art. 5]
Conclusion

La mise en œuvre des instances de concertation au sein d’un établissement demande de réflechir aux conditions qui permettent aux personnes concernées de s’exprimer. L’analyse au regard des droits culturels permet d’analyser plus finement ce qui favorise l’expression des personnes dans leur singularité et ce qui peut venir faire obstacle.

RESSOURCES

  • « Du droit à la culture aux droits culturels. Une première année d’observation et d’évaluation des politiques publiques départementales au regard des droits culturels », Publication Paideia, 2013.
  • « Itinéraires. Du droits à la culture aux droits culturels, un enjeu de démocratie », Publication Paideia, 2015.
  • « Ouvertures de chantiers, développer les droits culturels dans le champ du social, la lecture publique et le numérique, les patrimoines, mémoires et paysages, l’éducation et la jeunesse », Publication Paideia, 2016.
  • Gautier S., « Relancer les politiques publiques par les droits culturels ? », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 20
  • L’Herminier R., « Une administration de citoyens », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p.14.
  • Mairal J-C, « Les droits culturels au coeur du développement territorial pour réenchanter les rapports humains », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p.16
  • Meyer-Bisch P., Bidault M., Déclarer les droits culturels. Commentaire de la Déclaration de Fribourg. Zurich, Bruxelles, Schulthess, Bruylant, 2010.
  • Meyer-Bisch P., « les droits culturels fondent une observation interactive », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 54
  • Meyer-Bisch P., « En situation de crise, qu’est-ce qui est capital ? », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 102
  • Meyer-Bisch P., « Les écritures se répondent », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p. 40]
  • Pourret S., « De la démocratisation culturelle aux droits culturels : ouvrir une nouvelle dynamique de sens pour l’action publique », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 26
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