PROPOSITION #02

Développer la formation à l’interculturalité pour tous les professionnels

La volonté de « développer la formation à l’interculturalité pour tous les professionnels » est apparue au fil du travail effectué en 2015 comme un point de convergence de bon nombre des analyses de pratiques réalisées au regard des droits culturels.
Dans ces pratiques, le référentiel des droits culturels s’avère incontournable pour appréhender les notions d’interculturalité, de diversité culturelle et d’universalité dans les politiques publiques.

« Les cultures, comprises comme totalités homogènes, sont les leurres les plus dangereux, sources de toutes les discriminations, ingrédients indispensables des guerres et de la permanence des pauvretés. Les « cultures » n’ont pas assez de consistance pour être « personnalisées » au point de parler de « dialogue des cultures » : seules les personnes peuvent dialoguer, avec leurs cultures bricolées. Seuls existent des milieux culturels composites (comme le sont les milieux écologiques), plus ou moins riches d’oeuvres culturelles auxquelles les personnes peuvent faire référence. Par « œuvres culturelles » ou « biens culturels », on peut entendre des savoirs (être, faire, transmettre), des choses et des institutions. C’est la personne qui est au centre et qui choisit et compose son milieu culturel avec les références auxquelles elle peut avoir accès » [Meyer-Bisch, 2008]

« C’est le respect des droits de l’homme, indivisibles et interdépendants, qui permet la valorisation mutuelle de tout ce que les milieux culturels contiennent de richesse et d’interprétation de l’universel. C’est aussi le dialogue interculturel en faveur d’une meilleure compréhension de l’universalité qui permet d’identifier les pratiques qui, sous prétexte culturel, sont contraires aux droits humains. Dans cet ensemble, les droits culturels ont naturellement une place particulière : leur respect garantit la participation de tous au patrimoine commun, ce capital de ressources que constitue la diversité culturelle. L’exercice des droits, libertés et responsabilités culturels constitue la fin et aussi le moyen de cette préservation et de ce développement, car cela signifie que chacun peut participer à cette diversité : y puiser des ressources et contribuer à son enrichissement. Les droits culturels permettent de penser et de valoriser la diversité par l’universalité, et réciproquement » [Meyer-Bisch, 2008]

DÉPLOIEMENT DE LA PROPOSITION

ENJEUX

Développer les capacités des professionnels à :

Développer et maintenir la confiance réciproque
  • Construire du lien social et une communauté de ressources ayant certaines valeurs en partage et pouvant développer des objectifs communs (droit de se référer ou non à une communauté et de changer, de participer à la vie culturelle et aux décisions des communautés dont on est membre)
Faire tomber les préjugés
  • Ouvrir des espaces d’expression, de négociation et de débat pour affronter les peurs qui peuvent être des freins dans la relation à l’autre et s’approprier des outils pour mieux confronter les préjugés (choisir et voir respectées son identité et ses références culturelles, connaître la diversité culturelle, participer à l’information adéquate)
Reconnaître et respecter les références culturelles
  • Travailler au respect des références culturelles de tous les acteurs, malgré les différences dans les valeurs et l’éloignement apparent (choisir et voir respectées son identité et ses références culturelles, connaître la diversité culturelle, droit à la formation tout au long de la vie)
  • Valoriser les compétences de la famille: les familles et le réseau de relations dans lequel évolue l’enfant constituent de précieux alliés à mobiliser par les travailleurs sociaux et médico-sociaux. Il s’agit d’accueillir et de reconnaître ces compétences complémentaires à celles des professionnels (droit de connaître la diversité culturelle, à la formation tout au long de la vie)
Garantir un service public équitable
  • Concevoir un service public vraiment accessible à tous (droit de participer à la vie culturelle dans le respect des identités et la valorisation de la diversité culturelle)

« Comme le note le philosophe Marcel Gaucher dans un entretien « aux grands dossiers des sciences humaines » n° 33, « Cette montée en puissance de l’individu engendre d’ailleurs de redoutables problèmes. Car il revient à l’individu de choisir ce qu’il est et ce qui compte pour lui. Son identité, il doit se la fabriquer, se la constituer. Tandis qu’autrefois elle était assignée dès la naissance, elle devient quelque chose que chacun est incité à inventer. Or, si les individus sont tous égaux en principe face à ce droit d’ « être soi-même », ils sont en réalité inégaux dans leur capacité de choisir leur vie et de se construire personnellement ». Comment répondre ? Il faut construire du lien social, intégrer l’ouverture aux autres et à la diversité, l’ouverture au monde et aux autres cultures. Il s’agit tout simplement de se connecter et de penser le tous ensemble. Car l’indépendance de l’individu et la pleine réalisation de ses potentialités et de sa créativité ne peuvent exister sans interdépendance avec d’autres » [Mairal, Itinéraires, Paideia 2015, p. 16]

« L’accès à une diversité de ressources est une des clés pour le développement de l’autonomie et de la citoyenneté. Cette diversité est fondamentale, à la fois parce qu’elle enrichit les savoirs sur soi, sur les autres, sur son territoire et aussi parce qu’elle contribue au développement des capacités de chacun » [Vieilleville, Ouvertures de chantiers, Paideia 2016, p. 98]

« Dans la perspective des états généraux du travail social prévus pour fin 2014, et en lien avec ce qu’on pressent déjà comme une refondation, les instituts de formation ont à s’inscrire dans un mouvement qui réinterroge les fondamentaux, au-delà de la question de la qualification. […] Où se trouve la formation à l’accès aux droits universels ? Au sein de cette question, quelle place occupe l’accès aux droits culturels ? Il s’agit ici de penser la formation des travailleurs sociaux par le prisme du respect des droits de la personne et d’interroger ce qui fait sens dans l’acte de formation. […] L’accès aux droits culturels, s’il est certainement admis par la plupart d’entre nous, ressort-il simplement d’une démarche technique d’application d’un droit […] ou ne met-il pas l’accent sur la reconnaissance de l’identité culturelle de chacun dans notre société ? À l’image du non-recours du grand exclu aux droits sociaux (tel que c’est parfois le cas envers le RSA, la CMU, etc.), s’agit-il d’un problème d’information non transmise, d’application non effective, ou plutôt d’une demande de relecture du sens que cet accès aux droits culturels contient dans sa promesse démocratique, sollicitant une réflexion d’ordre éthique ? Il s’agit ici de questionner la façon dont sont pensés le lien social, la redistribution des ressources, la solidarité dans notre société » [Delhaye et Hintea, Paideia 2013, p. 78-79]

« Qui a des responsabilités envers les droits culturels ? Comme pour les autres droits de l’homme, toute personne, dans la mesure de ses capacités, a des responsabilités envers ses propres droits et envers les droits d’autrui. L’État et ses institutions, quant à eux, ont une obligation de respect, de protection et de réalisation, par l’information et l’éducation, les lois, les politiques et les tribunaux en dernier recours. Mais tous les acteurs concourent à cette obligation commune, qu’ils soient publics, privés ou associatifs. Plus précisément, la réalisation des droits culturels implique le plus de synergie possible entre tous les acteurs concernés dans chaque situation. La synergie se fait principalement par l’observation partagée, le recueil et le croisement de tous les savoirs » [Publication Paideia, 2013, p. 91]

« Les droits culturels m’ont permis d’organiser et de prendre ma place dans l’animation des rencontres entre les enfants, les familles et les partenaires. Dans la rencontre pour construire le projet de l’enfant, je suis vigilante à valoriser le patrimoine culturel des familles et leurs potentiels. […] Je suis convaincue et habitée par le respect de l’être humain dans toute sa diversité. Le management ne s’improvise pas, il faut acquérir une bonne connaissance des interactions que produit une équipe. Nos formations diverses et variées créent de la richesse mais aussi des oppositions entre des cultures métiers différentes. Au quotidien, dans mon management, je porte une véritable attention au respect de nos formations et nos expériences. Les droits culturels, c’est aussi apprendre à manager la diversité des professionnels. Aujourd’hui, je suis convaincue que le management d’une équipe en protection de l’enfance doit passer par une sensibilisation aux droits culturels » [Laloux, 2016, p.37]

« Le référentiel des droits culturels nous permet de formaliser les interconnexions qui émergent du fonctionnement de ce collectif. Elles sont sources de richesses et placent chaque partie prenante de nos missions en situation de responsabilité mais aussi de dignité. […] La dynamique du collectif, ce sont des capacités décuplées, déployées. L’intelligence collective et les réflexions menées sur des champs divers comme l’évaluation, la médiation, la mobilisation, les positionnements par rapport aux droits culturels… nourrissent le CRIC et ses pratiques et lui donnent un élan certain. Nos rencontres sont denses car « incarnées » par des personnes, des « personnalités » même ! Et cela donne la dimension « vivante » à notre collectif ! » [Le CRIC, 2015, p. 38]

PROBLÉMATIQUES

Proposer un service public équitable en tenant compte des situations particulières
  • Tension entre un service équitable pour tous les habitants, sans discrimination, et la nécessité de s’adapter au contexte et à la situation spécifique de chacun.
Posture descendante des professionnels et de l’institution
  • Difficulté pour les travailleurs médico-sociaux et l’institution de remettre en question leur position descendante sur les personnes accompagnées et de trouver une posture plus accueillante de la diversité. Tension entre la reconnaissance de l’expertise propre à un domaine d’activité et l’ouverture sur les savoirs d’un autre domaine ou d’autres types de savoirs.
S’exprimer librement et se comprendre
  • Divers codes et modes d’expression, dont la maîtrise diffère d’une personne à l’autre selon de nombreux facteurs : personnalité, positionnement, rôle, compétences linguistiques, discipline et métiers, niveau d’éducation, parcours personnel de vie et expériences (jargon et sigles professionnels, termes techniques). Tension entre l’importance d’exprimer, pour se comprendre, et la reconnaissance des asymétries entre les personnes pouvant faire obstacle.

« Les liens entre le culturel et le social apparaissent avec de plus en plus d’importance, mais leur nature est encore très imprécise. Le culturel se trouve le plus souvent marginalisé, restreint aux arts ou aux communautés de migrants. En réalité le culturel traverse et structure tout le tissu social, à condition de le comprendre à son niveau fondamental : tout ce qui concerne les savoirs, ceux de la vie quotidienne comme ceux qui sont spécialisés. Ces savoirs assurent une circulation du sens entre les personnes, les groupes et leurs activités. Toute texture sociale se forme, se développe, se maintient et s’adapte, à partir de tissages de savoirs. Là se situent les principales sources de développement individuel et collectif, mais aussi de souffrances et de conflits. Cette approche permet de mettre concrètement en lumière cette texture du social inscrite dans les territoires » [Publication Paideia, 2015, p.76]

« Quelles pratiques culturelles est-ce que ces droits justifient ? Les pratiques culturelles peuvent être plus ou moins favorables ou néfastes aux droits de l’homme. Il ne suffit pas, cependant, d’interdire simplement celles qui sont visiblement néfastes. Encore faut-il, dans un large débat démocratique et instruit, procéder à leur interprétation et à leur « déconstruction » culturelle. L’exercice des droits culturels est ici précieux. Toute personne a le droit de comprendre au mieux les traditions vécues dans son milieu, et à participer à une interprétation vivante, critique et profonde de celles-ci » [Publication Paideia, 2013, p. 91]

« La notion de communauté émerge dans nos pratiques notamment par rapport à la volonté de ne pas confiner les personnes dans des catégories qui cristallisent leur identité : la minorité des femmes battues, la minorité des jeunes dans les banlieues… Je pense qu’il faut arrêter de cristalliser l’humain avec une étiquette, et parvenir à un mélange. Ce qui n’empêche pas l’identité des communautés » [Dubusset, 2015, p. 45]

 

« Dans ses principes, le DSL invite à « faire autrement », en changeant de posture et de regard vis-à-vis des personnes, de leurs collectifs (associations, groupement, familles), pour leur permettre de reprendre du pouvoir sur leur vie et leur environnement. Mais ça n’est pas suffisant, on ne peut pas penser qu’à lui seul le développement social local ou territorial puisse répondre à cette situation car il n’est pas une solution miracle pour sortir de la crise. Il s’inscrit en effet dans un contexte où l’État providence semble avoir atteint ses limites, où les travailleurs sociaux sont transformés en « prestataires de dispositifs » qui vont perdurer, où les « usagers citoyens » abordent leurs difficultés sur le mode de la réparation due par les pouvoirs publics et où les solidarités de proximité ont laissé leur place à des pouvoirs publics qui remplissent désormais leurs rôles. Il est donc crucial de recréer ou renforcer les connexions sociales, le partage de savoirs et ainsi renforcer les valorisations individuelles et dynamiser les solidarités » [Vienne, 2016, p. 29]

« Travailler en transversalité, dépasser la sectorialité dans un modèle d’organisation français encore très vertical et cloisonné, est un objectif souvent annoncé dans le champ public, voire recherché dans certaines organisations. […] Or, pour vaincre la peur que tout soit dans tout et donc la crainte de la confusion générale, pour dépasser les pré-carrés et autres jeux de pouvoir, il n’y a à mon avis pas d’autre choix que de dégager des enjeux fondamentaux communs entre plusieurs secteurs, plusieurs politiques publiques, pour que chacun, là où il se situe, puisse contribuer à les relever, dans un cadre commun et sensé. […] Le travail en transversalité, y compris au sein d’une même organisation publique, est chronophage et il est souvent plus confortable d’y renoncer en l’accusant d’être facteur de perte de temps… à court terme ! La transversalité nécessite du temps pour sa conceptualisation, sa méthodologie, pour son animation et par conséquent mobilise du temps d’agent public. Il est impératif que ce travail transversal soit créateur de valeurs ajoutées et soit formellement inscrit dans les missions de l’agent » [Paysant, 2016, p.105]

« Malgré l’intérêt d’élaborer des projets en commun, les uns et les autres restaient fixés sur leurs problématiques sans prendre en compte les contraintes des autres acteurs » [Thévenet, 2016, p.108]

« Dans cet exemple, il est alors question de viser à rendre le droit à l’éducation plus effectif par une politique d’EAC concertée entre partenaires institutionnels, collectivités de mise en oeuvre (l’intercommunalité), acteurs des champs de la culture, de la jeunesse, de l’éducation, du social et destinataires de cette politique. Il y a là un chantier intersectoriel complexe dont l’objectif opérationnel est la fertilisation mutuelle des compétences, des moyens humains, financiers et matériels au service de l’EAC et plus globalement en faveur du droit à l’éducation. La clé de la réussite est d’envisager toutes les interconnexions qui optimiseront l’ensemble des moyens publics voire privés concourant à cette politique d’EAC et qui l’enrichiront de par la complémentarité des compétences qu’elles permettent. L’évaluation de cette politique d’EAC devra alors porter sur ces interconnexions et donc s’appuyer sur des indicateurs spécifiques sur lesquels se penchent les participants à la démarche interdépartementale d’observation et d’évaluation des politiques publiques au regard des droits culturels. […] La démarche Paideia m’a confirmé la nécessité d’une approche systémique complexe, et que ce sont dans les valeurs ajoutées créées par les interconnexions que se trouvent aujourd’hui les leviers du développement. Il y a donc un enjeu essentiel à les mettre en œuvre » [Paysant, 2016, p. 105]

MISE EN ŒUVRE

Systématiser les formations de sensibilisation à la diversité culturelle et à l’interculturalité
  • Développer les compétences permettant d’aborder, d’appréhender et de discuter des références culturelles avec plus d’aisance (N56a, inter-disciplines) (ex. inclure la notion de risque et les façons de la travailler en s’appuyant sur les ressources des familles (N54, inter-acteurs)
  • Mettre à disposition des outils et méthodes pour respecter les valeurs et pratiques culturelles auxquelles se réfèrent les personnes :

– Apprendre à diversifier les modes et espaces d’expression pour favoriser la parole des personnes et faciliter le débat démocratique (N61) (ex. : lieux conviviaux – N56a, inter-temps, inter-lieux)

– Identifier les centres d’intérêt des personnes pour les impliquer de manière active (N54)

  • Veiller à mixer les professions, les institutions, les services, à divers moments de la carrière des professionnels (intégration dans la fonction publique ou la collectivité, changement ou prise de poste…)
Faire évoluer le contenu des formations en tenant compte des retours d’expériences
  • Tenir compte des retours sur expérience spécifiques aux pratiques professionnelles selon la collectivité, le service, les agents…
  • Créer une formation pour intervenir, tenir et animer une conférence familiale : compétences de concertation familiale, de participation contribuant à développer les capacités d’acteurs de chaque personne (N61) autour d’un projet commun pour l’enfant.

« C’est donc par le croisement des savoirs que la personne choisit ou renonce, qu’elle s’identifie elle-même et se relie aux autres. Chaque domaine culturel, en tant que circulation de savoirs, est donc créateur de lien. Chaque personne, en tant que porteuse de savoirs contribue à ce lien. C’est la diversité culturelle et l’échange des savoirs qui tissent le lien social » [Vienne, 2016, p.28]

« La démarche des droits culturels développée dans le projet Paideia consiste à questionner l’accompagnement d’une personne dans la prise en compte de sa culture dans un dialogue interculturel. C’est en reconnaissant les valeurs de cette culture, qu’un espace de négociation, d’échange et de construction commune est possible. Elle vise non seulement à situer l’individu en interaction avec son environnement mais place aussi le professionnel dans un entourage à mettre en synergie. Il s’agit d’une mise en dynamique des systèmes au-delà d’une simple relation duelle. L’accompagnement de la personne au regard des droits culturels impose un nécessaire travail partenarial. Elle permet de reposer du sens dans un contexte de mutation et de perte de repères pour les travailleurs sociaux » [Campese, Condemine, Duchamp, Graziani, 2016, p.26]

« […] Lire, analyser, relire la Déclaration de Fribourg, étudier les articles un par un. Construire des cas d’école à partir de nos projets, nourrir les cartes d’interaction des parties prenantes, utiliser les indicateurs de connexions. S’astreindre à changer de point de vue, de perspective, permet de lire autrement notre projet, de porter un regard critique, d’ouvrir de nouveaux horizons d’exigence, de partager avec nos élus et nos partenaires les enjeux profonds de la présence de cet équipement sur ce territoire-ci, précisément. Ce référentiel nous a effectivement aidé à spécifier notre travail, à le resituer dans une perspective globale. […] Avoir l’occasion d’échanger sur les perceptions de chacun, réinscrire nos multiples tâches quotidiennes et la quantité de décisions que nous prenons chaque jour dans une perspective de choix de société a été fondateur. Il convient d’observer que certaines personnes de l’équipe très engagées dans le rapport aux habitants et qui, de mon point de vue, mettent en oeuvre de façon remarquable les valeurs défendues dans la Déclaration de Fribourg, se sont dans un premier temps tenues à distance de ces séances de travail, jusqu’à finalement y adhérer avec un grand enthousiasme et un fort désir de pérennisation de la démarche » [Vignaud, 2015, p. 40-41]

CAS D’ÉCOLE

Le projet pour l’enfant - N10

Observateur(s) : Nicole Laloux (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, DT de l’Avesnois, Unité territoriale Avesnes/Fourmies, Service Enfance

Résumé :

Le projet pour l’enfant vise à :

– Associer la famille de l’enfant, si ce n’est pas préjudiciable, mettre en œuvre ses droits d’autorité parentale, l’impliquer dans la construction du projet de son enfant, c’est lui reconnaître potentiel et ressources au-delà de ses défaillances.

– Recueillir l’avis de l’enfant, privilégier son épanouissement sans gommer son histoire familiale, c’est l’aider à se construire dans sa trajectoire de vie.
– Construire, agir, évaluer avec les différents intervenants, en respectant le rôle de chacun, c’est additionner des compétences autour et pour l’enfant.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels l’intérêt que représente le projet pour l’enfant pour tous les acteurs concernés et impliqués.

Démonstration du non intérêt d’un placement ordonné - N54

Observateur(s) : Florence Gomet (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, UTPAS Avesnes/Helpe

Résumé :

Suite à une demande d’éloignement de deux mineurs par le service de l’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO), le juge des Enfants a ordonné le placement judiciaire. Au vu du contexte et de la perception que les acteurs sociaux du service enfance du Département avaient de la situation familiale, ils ont fait une contre-proposition au juge des Enfants pour demander une intervention à domicile.

Ce cas d’école tente de faire la démonstration par l’analyse de cette situation au regard des droits culturels, du non intérêt du placement ordonné.

L’information préoccupante - N55

Observateur(s) : Les membres du chantier « Information Préoccupante (IP) », rédaction du cas Marie Chastel (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, Direction de l’enfance et de la famille et UTPAS

Résumé :

L’ensemble de la démarche d’évaluation et du traitement des IP est placé sous la responsabilité du Responsable d’UTPAS. L’adjoint au RUTPAS et/ou un secrétaire médico-social assure le traitement administratif de l’IP. Les professionnels sociaux et médico sociaux de l’UTPAS réalisent une évaluation de la situation de la famille qui doit permettre de déterminer si un enfant est en danger ou en risque de danger au sens de la loi.

Ce cas d’école analyse toute la procédure d’évaluation mise en œuvre au regard des droits culturels afin d’observer en quoi ceux-ci sont plus ou moins respectés. Ce travail permet de mettre à jour les problématiques complexes que pose le jugement de valeur dans les situations signalées par une IP.

Périnatalité et droits culturels - N56, N56a, N56b, N56c, N56d

Observateur(s) : Anne-Sophie Baudchon (sage-femme), Dr Warembourg, Corinne Salin (sage-femme), Catherine Lesage (sage-femme) (contact)

Institutions : Protection Maternelle et Infantile (PMI), Centre hospitalier, Cabinet libéral, Conseil Départemental du Nord.

Résumé : Grappe de cas d’école qui permet l’analyse au regard des droits culturels de diverses situations concernant la périnatalité. Chaque cas d’école décrit des dissensus voire des conflits culturels entre les acteurs du corps médical, la femme enceinte et les familles, que ce soit lors des consultations (ex. rapport au corps, à la contraception), lors du suivi médical (ex. rapport à l’administration, aux « rendez-vous ») ou pour les soins à prodiguer, surtout en cas de force majeure (ex. rapport au soin médical, à la santé, à l’enfant).

Mise en place d’une conférence familiale - N61

Observateur(s) : Jean-Pierre Maia (contact)

Institutions : Conseil Départemental du Nord

Résumé : Situation délicate d’un enfant né sous emprise médicamenteuse et accueilli par sa grand-mère paternelle alors qu’elle est elle-même en difficulté avec les parents de l’enfant. Un placement provisoire est décidé. La famille se dit opposée au placement et envisage d’écrire au juge des enfants pour obtenir la garde. Les relations entre la famille, le Service Enfance et le juge s’effilochent alors que le placement provisoire arrive à son terme. Il est alors décidé de mettre en place une conférence familiale.

Ce cas d’école analyse la mise en place d’une conférence familiale au regard des droits culturels : en quoi cette pratique permet d’élaborer une décision partagée dans le souci des différentes positions des acteurs ?

Amont de la conférence familiale : mobiliser les ressources familiales - N67

Observateur(s) : Sylvie Roger (contact)

Institutions : Conseil Départemental du Nord – Service de Protection Maternelle et Infantile (PMI)

Résumé : Situation d’une famille dont les 2 premiers enfants sont confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et qui en attend un 3ème. Mobilisation des acteurs médico-sociaux dont certains pensent qu’un maintien du bébé avec ses parents est possible au vu de leur progrès dans les relations qu’ils entretiennent avec les 2 ainés. L’enjeu est alors de voir avec les membres de la famille élargie comment ce maintien est envisageable par la valorisation et le renforcement des compétences des jeunes parents et un accompagnement soutenu des services sociaux.

Ce cas d’école analyse le travail réalisé avec cette famille au regard de droits culturels. Ce travail se rapproche de ce que pourrait être une « conférence familiale » et fait la démonstration de l’intérêt d’approfondir cette méthode de co-élaboration de solution.

Une rencontre au musée – N69

Observateur(s) : Nathalie Asensio (contact)

Institutions : Lieu de Rencontre Parent(s)/Enfant(s) (LRPE) – Direction Territoriale de Flandres Maritimes (DTFM) – Conseil Départemental du Nord

Résumé : Le LRPE est destiné aux rencontres entre parents et enfants mineurs, placés en institution ou famille d’accueil. Des travailleurs sociaux, nommés « accueillants » sont présents pour accueillir parents et enfants dans les lieux. Ces rencontres sont dites « médiatisées » lorsqu’il importe d’aider les parents à dépasser les difficultés ou conflits à l’origine du placement et de soutenir leurs compétences parentales. Dans cette perspective, la présence de l’accueillant durant les rencontres et globalement l’utilisation du dispositif n’a pas vocation à se pérenniser. L’objectif est de permettre le développement de l’autonomie et une relation satisfaisante sans l’intervention d’un tiers. Lors d’une de ces rencontres, une mère de famille propose à ses enfants une sortie au musée des Beaux-Arts accompagnée par une accueillante.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels les incidences de cette « simple » sortie au musée sur la relation parents-enfants.

ANALYSE D’UNE PRATIQUE

Le récit du cas N56b

« Dépistage d’un retard de croissance à l’échographie du 3ème trimestre. La femme enceinte se rend seule habituellement en consultation. Son compagnon ne l’accompagne pas. Il garde l’ainé des enfants à la maison. Un suivi tous les 15 jours avec surveillance du rythme cardiaque fœtal (monitoring) et échographie est mis en place.

Au vu des absences de la patiente à plusieurs rendez-vous de suivi, la sage-femme de PMI (SF de PMI) est sollicitée par la maternité. La future maman ne se rend au rendez-vous que lorsque la SF de PMI l’amène, la femme enceinte ne s’oppose pas au suivi mais n’y voit pas un grand intérêt. La famille ne s’oppose pas à ces accompagnements par la SF de PMI. Il est à préciser que le jeune couple est hébergé chez les parents de monsieur, avec le reste de la famille (frères, belles-sœurs, neveux etc.). Le compagnon est peu présent et ne s’implique pas dans le suivi rapproché. La famille est accompagnée depuis longtemps par le SF de PMI qui a des relations cordiales avec la communauté.

À 8 mois ½, arrêt de la croissance : une décision de déclenchement est prise par le chef de clinique responsable du suivi de grossesses pathologiques en maternité (médecin que la patiente a rencontré à chaque examen). Les explications sur la nécessité de ce déclenchement ont été données à la patiente qui était seule à ce rendez-vous (la SF de PMI n’avait pas pu l’accompagner). Avec l’accord de la patiente, la maternité demande à la SF de PMI d’amener la patiente le matin du déclenchement, celle-ci n’ayant pas de moyens de transport.

La SF de PMI se présente au domicile comme convenu pour conduire le couple en maternité. Discussion houleuse au domicile familial entre la SF de PMI et la famille, dont la belle-mère, qui explique que l’enfant va mourir si on provoque la naissance alors que Dieu n’a pas décidé que c’était le moment. Elle ne comprend pas l’inquiétude des soignants : « maman va bien, elle mange bien… donc son bébé va bien ». La famille finit par accepter de laisser partir le couple avec la SF de PMI pour se rendre en maternité pour le déclenchement.

En salle d’accouchement : attitude similaire, le compagnon refuse catégoriquement que l’on pose le monito et la perfusion. Il dit qu’il a besoin de telephoner à sa mère d’abord pour savoir ce qu’elle en pense. La future-maman, elle, ne s’exprime pas. Monsieur appelle sa mère. Négociations virulentes entre la SF, le médecin et la grand-mère par l’intermédiaire de son fils et du téléphone, avant de céder sur l’insistance du gynécologue de garde.

Par la suite, le travail se déroule sans difficulté particulière, la décision de déclenchement n’est plus ré-abordée. Le bébé est né en bonne santé malgré un faible poids de naissance pour son terme, ce qui confirme l’estimation du poids faite par écho quelques jours avant. Le papa est peu présent lors du séjour en maternité et ne s’exprime pas, la grand-mère est quant à elle plus présente et remercie l’équipe médicale pour la naissance de bébé. La SF de PMI est passée en chambre en maternité, la maman était soulagée du bon déroulement et du fait que l’enfant se porte bien. Elle viendra voir la puéricultrice de PMI en consultation infantile par la suite pour présenter son bébé à l’équipe des consultations prénatale de PMI qu’elle a l’habitude de fréquenter (elle passe régulièrement sans rendez-vous et ne vient d’ailleurs que rarement lorsqu’elle a rendez-vous) »

Article 3a
  • Dans cette situation, les acteurs principaux que sont les futurs parents ont peu de marge de décision propre (entre l’équipe médicale et la famille). 2 visions de la naissance sont exprimées et conduisent à des prises de décisions opposées (la naissance avec ou sans intervention médicale – ou le moins possible). Les parents (et surtout la jeune femme) sont tiraillés entre ces 2 visions.
[Art. 3a – L’analyse au regard de ce droit interroge les conditions mises en œuvre tout au long du suivi pour favoriser l’expression singulière des personnes (choix à faire en cas de complication, références culturelles etc.). Comment éviter le sentiment d’être « dépossédé » des décisions à prendre ?]
Article 3b
  • Différentes représentations autour du suivi de grossesse, de la naissance, les rites… Opposition entre représentations religieuse et médecine moderne. La jeune femme enceinte, lors des différents rendez-vous de suivi de fin de grossesse, a pu suivre l’évolution de l’état de santé de son futur-bébé et donc comprendre le risque au vu de l’arrêt de la croissance – ce qui a permis à son compagnon, malgré le discours de sa mère, d’accepter de laisser faire l’équipe médicale. Une fois le déclenchement débuté, le couple et la famille n’ont plus posé aucune opposition.
[Art 3b – L’analyse au regard de ce droit interroge les conditions mises en œuvre pour parler des divers points de vue sur la naissance et de ce qui peut faire médiation en situation. Les décisions prises ne veulent pas dire que toutes les références culturelles de la famille ne peuvent pas être exprimées et respectées : quelles sont les conditons mises en œuvre pour qu’il y ait croisements des savoirs entre les acteurs impliqués ?]
Article 3c
  • Cette hyper médicalisation de la naissance est également le reproche que font de nombreuses femmes sur le vécu de leur accouchement. L’excès de médicalisation lorsqu’il n’y a pas de risque particulier est quelque chose qui freine parfois les émotions lors de la naissance, ou la transmission transgénérationnelle de la naissance. À l’heure actuelle, les maisons de naissance, les consultations par les SF permettent une écoute et une prise en charge de la naissance plus concertée avec les couples en fonction de leur représentation de la naissance.
[Art. 3c – toute prise de décision ne s’opère pas « ex-nihilo » – l’expérience et la transmission intergénérationnelle est importante. Quelles sont les conditions mises en œuvre pour que les ressources patrimoniales soient multiples et aident le jeune couple à se positionner ? ]
Article 4 et 5
  • Dans la situation décrite, les explications ont été données à la future-maman et la famille. Les personnes qui se sont opposées à la décision de déclenchement, sont des personnes qui n’ont pas participé à l’évolution de la situation (qui a amené à la décision médicale) – La notion de risque et de risque médico-légal incite à la prudence. Cette situation a été discutée en interne de la maternité, sans pour autant trouvé une façon de faire différente.
[Art. 5 – Art. 4 – L’analyse au regard de ce droit interroge sur les conditions mises en œuvre pour que les personnes concernées participent à la prise de décision. La prise en compte des attaches communautaires de la jeune femme interroge sur les personnes à impliquer dans celle-ci – Y-aurait-il une communauté de personnes à constituer pour prendre la décision en connaissance de cause – Art. 6 ?]
Article 8
  • Lorsque les professionnels de santé sont confrontés à des situations d’opposition aux soins par certaines communautés (par tradition ou par habitude de certaines conduites à tenir et pratiques), la présence de médiateurs santé faisant partie de la communauté ou acceptés par celle-ci facilite la conciliation. La SF de PMI peut être un médiateur (considérée comme membre de l’équipe médicale mais à qui on peut dire les choses et qui va chercher la concertation entre famille et maternité).
[Art. 8, le développement de coopérations efficientes et durables semble favoriser les relations de confiance suffisantes pour l’expression des personnes concernées et impliquées ainsi que la circulation d’informations entre les acteurs – Art. 7]
Conclusion
Les diversités culturelles ne sont pas souvent prises en compte dans les protocoles de décisions médicales, ni dans les réflexions médico-légales (codes civil et de la santé publique, code de déontologie). Il serait intéressant qu’une réflexion plus générale soit menée pour permettre au équipes médicales de prendre en compte la dimension culturelle et traditionnelle des soins notamment autour de la naissance.

RESSOURCES

  • Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle (2001)
  • Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005)
  • Déclaration des droits culturels (2007)
  • « Du droit à la culture aux droits culturels. Une première année d’observation et d’évaluation des politiques publiques départementales au regard des droits culturels », Publication Paideia, 2013.
  • « Itinéraires. Du droits à la culture aux droits culturels, un enjeu de démocratie », Publication Paideia, 2015.
  • « Ouvertures de chantiers, développer les droits culturels dans le champ du social, la lecture publique et le numérique, les patrimoines, mémoires et paysages, l’éducation et la jeunesse », Publication Paideia, 2016.
  • Campese A-C., Condemine N., Duchamp M-C., Graziani G., « L’innovation dans le travail social : une nécessaire évolution pour s’adapter au contexte sociétal et institutionnel », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p. 26
  • Delhaye P. et Hintea D., « Penser l’accès aux droits culturels dans l’acte de formation », in Du droit à la culture aux droits culturels, Publication Paideia, 2013, p.78
  • Dubusset F., « Procédé Zèbre », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p.45
  • Le CRIC, « le CRIC, collectif des réseaux d’insertion par la culture », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 38.
  • Laloux N., « Le projet pour l’enfant : une reconnaissance des familles et des professionnels », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p.36.
  • Mairal J-C, « Les droits culturels au coeur du développement territorial pour réenchanter les rapports humains », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p.16
  • Meyer-Bisch P., « La valorisation de la diversité et des droits culturels », Hermès, La Revue 2008/2 (n° 51), p. 59-64.
  • Meyer-Bisch P., Bidault M., Déclarer les droits culturels. Commentaire de la Déclaration de Fribourg. Zurich, Bruxelles, Schulthess, Bruylant, 2010.
  • Meyer-Bisch P., « Du « vivre ensemble » au « vivre en intelligence », comprendre le potentiel social des droits culturels », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p.10
  • Paysant E., « Le logiciel droits culturels, une clé de transversalité entre politiques publiques » in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p.104
  • Thévenet R., « Immersion d’aujourd’hui dans le collège de demain », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p.108
  • Vieilleville A., « Développer la citoyenneté des adolescents », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016 p. 99
  • Vienne N., « Du développement social local aux droits culturels, pour une autre approche de la pratique managériale », in Ouvertures de chantiers, Publication paideia, 2016, p.28
  • Vignaud A-I., « La Condition publique et les droits culturels », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p.40
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