PROPOSITION #12

La place du bénévole : un enjeu de démocratie pour les institutions

aux missions de service public

L’idée de travailler sur « la place du bénévoles dans les institutions aux missions de service public » n’a pas été énoncée comme telle lors du Forum Ouvert « Quelles actions et quels projets souhaitez-vous expérimenter au regard des droits culturels ? », organisé les 26 et 27 novembre 2014 à la Condition Publique de Roubaix dans le cadre de la démarche Paideia. En revanche, au fil de la démarche, il est apparu que bon nombre d’études de cas réalisés posaient la question de la place des bénévoles par rapport aux salariés.
Dès lors, un groupe constitué d’acteurs sociaux et culturels du Département s’est organisé pour déployer cette proposition.
Le référentiel des droits culturels s’avère alors incontournable pour appréhender les relations de travail entre des acteurs aux différents statuts et l’impact de celles-ci sur l’action développée.

DÉPLOIEMENT DE LA PROPOSITION

ENJEUX

Reconnaître la contribution des bénévoles au service public
  • Définir avec les bénévoles ce qu’est une institution aux missions de service public et leur rôle par rapport à celui-ci : partir des rôles qu’une diversité de personnes jouent ou peuvent jouer ainsi que des modalités de leurs implications possibles pour rendre un service public (droit de choisir et de voir respecter son identité culturelle, de participer à la vie culturelle)
  • Considérer les bénévoles dans leur contribution au service public : reconnaître et valoriser la contribution des personnes bénévoles au service public, susciter l’envie des habitants d’un territoire d’y prendre part en favorisant les prises d’initiatives (droit de participer et de contribuer à la vie culturelle d’une institution)
Diversifier les formes et degrés d’engagement (complémentarité)
  • Diversifier les formes d’engagements et chercher leur complémentarité : favoriser les divers degrés d’engagements (temps de présence et missions), favoriser les relations entre acteurs de statuts différents, valoriser la diversité et la complémentarité des ressources des personnes en présence (droit de choisir et voir respecter son identité, de connaître d’autres cultures, de participer et de développer des coopérations)
Partager les savoirs et les compétences entre les personnes impliquées (bénévoles et professionnels)
  • Développer les capacités des personnes à transmettre et acquérir des savoirs : favoriser le partage des savoirs et des compétences entre les acteurs impliqués, mettre en oeuvre les conditions nécessaires à leur transmission et leur développement (droit de connaître sa propre culture ainsi que d’autres cultures, droit à l’information et la formation)

« Dans les cas d’école nous constatons que les acteurs prennent souvent la mesure de dépenses publiques sociales qui seraient inconsidérées, mais bon nombre de cas révèlent qu’il ne suffit pas de faire des coupes budgétaires pour faire des économies. Pour équilibrer une économie, il n’est pas question seulement de chiffres. Pour que les investissements en ressources humaines, matérielles et financières deviennent plus visibles et plus justes, la question des critères d’évaluation doit être reconsidérée. (…) Dans son action, l’acteur social est parfois aussi précarisé que ceux qu’il est censé accompagner. Le temps de travail rémunéré ne suffit pas à développer un accompagnement qui prenne en compte la complexité des situations vécues. Les moments de réflexion et d’analyse des pratiques sont précieux. Ce temps relève-t-il du travail ou du bénévolat (d’un don de soi) ? Peut-on requalifier, revaloriser ces temps de travail, se définir des temps communs, en équipe et avec d’autres partenaires afin de décloisonner l’action sociale qui ne peut être efficiente que si les responsabilités en sont partagées ? Plus encore, les « bénéficiaires » sont amenés à être bénévoles dans les actions collectives, de nombreux bénévoles associatifs sont aussi potentiellement des « bénéficiaires » de prestations sociales (retraite, chômage etc.). Si ce n’est pas un emploi, c’est un travail qui nécessite d’être valorisé socialement. Le travail social renoue alors avec un sens plus large, celui d’inclure chacun dans un écosystème de relations, en tant qu’acteur ayant une voix et contribuant à partir de ce qu’il est et de ce qu’il porte (ses liens choisis, ses valeurs, ses références culturelles) » [Publication Paideia, 2015, p. 80]

« En effet, participer ne signifie pas simplement venir assister à un spectacle. Le travail que nous faisons avec les jeunes, est justement de dire : « on vient vous voir dans votre lycée et on vient vous parler d’un projet, vous faire écouter des textes, vous faire rencontrer des résistants ». Nous amenons une envie, un désir d’en savoir plus. Après, c’est à eux : ils sont responsables de ce qu’ils vont faire dans leurs vies, entre autres venir ou pas au spectacle, c’est leur choix. Participer signifie participer de manière active, pas juste en étant consommateur. Donc, à chaque fois, nous devons nous poser la question du comment. Autour d’une création, il y a des dispositifs pour participer autrement, en étant figurant, ou dans des rencontres organisées. Voir comment des petites sollicitations de participation amènent chacun à trouver une place » [Dubusset, Paideia 2015, p. 44]

« Le travailleur social doit par ailleurs trouver les connexions possibles avec les autres acteurs de l’environnement de la personne accompagnée (éducation, culture, formation, sport, environnement, économie…) qui vont lui permettre de développer des capacités, de “refaire” lien et de renouer un tissu social. Si les enjeux sont essentiels pour la personne accompagnée, ils le sont tout autant pour le professionnel qui l’accompagne. Il permet une interaction avec d’autres acteurs de l’action sociale. L’accompagnement individuel ne peut plus se suffire à lui seul dans un contexte de contraintes budgétaires auxquelles sont confrontées les institutions. C’est dans un mouvement de partage et d’échange avec les partenaires, les bénévoles mais aussi avec la personne que doit se concevoir l’accompagnement. C’est aussi sortir le travailleur social de l’isolement vers lequel le contexte structurel sociétal et sectoriel l’oriente. Sur ce chemin difficile, il est bon de ne pas être seul, cela s’inscrit dans le nécessaire besoin de partage des valeurs et recherche de sens, de soutien, de reconnaissance pour innover et construire ensemble » [Campese, Condemine, Duchamp, Graziani, Paideia 2016, p. 26]

« Le processus Camping Complet permet de travailler sur la question du voisinage à l’échelle d’un quartier. Il autorise une écriture avec les habitants d’un parcours spectacle alimenté par les rencontres faites et par la mise en jeu de ces sublimes petits bouts d’histoires individuelles et collectives dont ils sont riches. Ce processus nécessite un temps de résidence, de rencontres et d’écritures permettant l’expression et l’implication, la rencontre et le dialogue, la découverte et la mise en valeur. La construction de rendez-vous et d’un cheminement entre ces étapes nous amène souvent à proposer des représentations en des espaces inattendus, à revisiter les lieux et parcours habituels, à poétiser l’ordinaire. La participation des habitants est au coeur de ce processus qui leur permet de participer selon leurs envies et disponibilités. Chaque Camping Complet mobilise au minimum une cinquantaine de bénévoles. Par les croisements entre propositions artistiques, il contribue en outre à un échange de savoirs, à la découverte d’autres esthétiques, d’autres cultures. Les droits culturels apportent un regard complémentaire sur nos pratiques et démarche. Ils constituent de nouvelles références nous permettant une analyse plus fine des impacts de nos actions. Nous sommes convaincus que la pratique artistique emporte des conséquences sur un plan culturel, mais aussi social, pédagogique, économique, environnemental… L’examen du Camping complet au regard de chaque droit culturel confirme cette transversalité, révèle les forces mais aussi les faiblesses du projet. Il nous invite, en connaissance de cause, à un (re)positionnement, à être dans une écoute toujours plus précise des personnes et partenaires rencontrés. […] Une nuance existe entre mener une action par conviction, militantisme et mener la même action pour aussi permettre la défense, l’expression de droits. Une nuance qui nous invite à de nouvelles responsabilités ». [Fauquembergue, Paideia 2013, p. 49]

PROBLÉMATIQUES

Méconnaissance des institutions et de la notion de service public
  • Méconnaissance des institutions et de leur fonctionnement, de la notion de service public : tension entre une connaissance du fonctionnement de base des institutions et un savoir élaboré issu d’une réelle implication. Comment les bénévoles peuvent-ils s’approprier la notion de service public et s’y reconnaître ?
  • Projets et actions inappropriés : tension entre la reconnaissance de la culture propre d’une institution et le développement sur un territoire d’actions et projets qui puissent être appropriés. Comment la présence des bénévoles au sein d’une institution permet de porter une attention particulière à la mise en oeuvre d’un service public approprié ?
Manque de prise en compte de la pluralité des formes d’engagement
  • Manque de prise en compte de la pluralité des formes d’engagement : tension entre la reconnaissance de l’engagement des bénévoles et la pluralité des formes de leur engagement. Comment la diversité et la spécificité des rôles que peuvent jouer les bénévoles amènent-elles à prendre en compte la pluralité des formes d’engagement au sein d’une institution ?
  • Manque de temps pour les relations entre acteurs : tension entre le temps consacré à l’exercice de son métier et celui consacré aux relations et diverses formes de mises en partage au sein d’une institution. Comment les bénévoles peuvent-ils jouer un rôle spécifique dans la dynamique relationnelle au sein d’une institution ?
Tension entre les exigences du service public et les engagements bénévoles
  • Adéquation entre les exigences du service public et le rôle du bénévole : tension entre le fonctionnement au quotidien des institutions et le fait qu’il repose également sur l’implication des bénévoles. Comment reconnaître le rôle nécessaire des bénévoles dans la dynamique d’une institution ? Question de la continuité du service public par exemple.
  • Usage consumériste et individualiste des institutions : tension entre le fait que les institutions offrent des services et la volonté qu’elles soient investies par les habitants d’un territoire. Comment la présence des bénévoles peut-elle garantir que les institutions ne deviennent des lieux d’un consumérisme individualiste ?
Asymétrie des statuts
  • Asymétrie des statuts au sein d’une institution, manque de reconnaissance des bénévoles : tension entre activités salariées et activités bénévoles au sein d’une institution. Comment le fait de prendre en compte les activités bénévoles au sein des institutions permet-il de justifier celles qui sont salariées et vice-versa ? Comment reconnaître les bénévoles autrement que par le salariat ?

MISE EN ŒUVRE

Ouvrir des espaces publics au sein de l’institution
  • Faire des institutions les/des lieux d’implication des personnes dans l’espace public
  • Favoriser l’inclusion des bénévoles par la présence d’interlocuteurs chargés de la mission d’accueil au sein des institutions (N77)
  • Ouvrir les institutions qui ont des missions de service public à une variété d’usages possibles par l’intermédiaire notamment des activités bénévoles et de l’implication des habitants
  • Veiller à l’adéquation du fonctionnement des institutions à l’usage (entre le fonctionnement et les usages..) qui en est fait ou qui peut en être fait par les habitants (ex. les horaires d’ouverture)
  • Organiser des scènes ouvertes d’expression (espace d’expression ? espace de débats ?) au sein des institutions aux missions de service public
  • Diversifier les vecteurs et les supports d’expression des personnes au sein d’une institution ayant des missions de service public
  • Collecter et valoriser les expressions des personnes circulant et/ou prenant place au sein des institutions ayant des missions de service public
  • Organiser les conditions des échanges entre acteurs impliqués et/ou concernés par l’institution ayant des missions de service public
S’accorder dans les institutions
  • Prendre en compte les diverses manières dont une personne peut s’engager et s’impliquer bénévolement dans la vie d’une institution aux missions de service public
  • Identifier et définir au sein des institutions aux missions de service public les rôles et missions des bénévoles (N44, N71)
  • Distinguer au sein des institutions les places et rôles des bénévoles et des salariés pour mieux reconnaître leur complémentarité dans une relation de réciprocité (N44)
  • Formaliser l’engagement bénévole et définir les responsabilités partagées entre les différents acteurs impliqués dans le fonctionnement d’une institution aux missions de service public (N44, N71)
  • Articuler la rigueur nécessaire au fonctionnement d’une institution aux missions de service public avec les différentes formes d’implication des bénévoles au sein de celles-ci
  • Donner un rôle aux bénévoles dans la gouvernance des institutions aux missions de service public
  • Préciser et informer les personnes sur les conditions d’élection des représentants des bénévoles dans les instances de concertations des institutions aux missions de service public
  • Faire que les bénévoles puissent contribuer à l’évolution des institutions aux missions de service public
Garantir une culture commune en institution
  • Développer ce qui favorise le sentiment d’appartenance à une communauté de personnes au sein des institutions aux missions de service public (N77)
  • Elaborer une charte des institutions aux missions de service public avec toutes les parties impliquées dans leur fonctionnement
  • Mettre en place les conditions nécessaires à l’appropriation de la culture institutionnelle par les personnes qui s’engagent dans la mise en oeuvre des missions de service public au sein des institutions
  • Développer par l’intermédiaire de l’engagement bénévole la conscience des intérêts communs promus par le service public (N44)
Contribuer aux actions portées
  • Développer l’implication des bénévoles dans les appels à projet lancés par les institutions aux missions de service public (N44)
  • Inclure les bénévoles dans l’instruction des projets subventionnés et développer leurs capacités d’expertise au regard du cahier des charges établi (N44)
  • Identifier les rôles que peuvent jouer les bénévoles dans le pilotage et la mise en œuvre des projets sur un territoire (N44)
  • Impliquer les bénévoles dans l’évaluation des projets menés sur un territoire (N44)
Créer de la valeur en prenant en compte la diversité de ce qui peut faire richesse
  • Solliciter et impliquer les bénévoles en amont de la mise en oeuvre des actions et/ou projets portés par les institutions aux missions de service public (N44, N62)
  • Évaluer et prendre en compte les ressources bénévoles dans l’économie des institutions aux missions de service public (N44)
  • Veiller à ne pas considérer les bénévoles comme de la main d’oeuvre gratuite exerçant des tâches qui ne sont pas valorisées dans le fonctionnement et la dynamique des institutions aux missions de service public (N44)
  • Reconnaître que les bénévoles engagés peuvent aussi contribuer à renouveler les approches des salariés exerçant leur métier au sein des institutions aux missions de service public (N77)
  • Considérer que les bénévoles sont force de propositions, notamment dans les domaines que les salariés ne peuvent peut être pas aborder dans le cadre de leur mission (N77)
  • Solliciter et activer les savoirs expérientiels et professionnels des bénévoles pour développer les missions de service public auxquelles ils prennent part (N44, N77)
  • Favoriser par l’intermédiaire des bénévoles le croisement des savoirs des acteurs impliqués dans une action commune (N44)
  • Reconnaître les compétences développées par les bénévoles, faire que leur engagement nourrisse leur propre parcours et qu’ils puissent évoluer au sein des institutions aux missions de service public (N44, N77)
  • Valoriser publiquement l’engagement bénévole au sein des institutions aux missions de service public pour favoriser l’implication d’autres bénévoles (N77)
Relayer le service public (ambassadeur – décodeur)
  • Considérer les bénévoles comme des ambassadeurs permettant aux institutions aux missions de service public de cultiver des relations de proximité
  • Considérer l’engagement des bénévoles au sein des institutions aux missions de service public comme une garantie de leur appropriation par les citoyens et de leur adéquation au territoire
  • Considérer les bénévoles comme des transmetteurs permettant aux institutions aux missions de service public de prendre en compte les dynamiques du territoire (N44)
  • Considérer l’engagement des bénévoles au sein des institutions aux missions de service public comme facteur de cohérence et de continuité des actions menées sur un territoire (N44)
  • Considérer les bénévoles comme des acteurs permettant de relier l’action des institutions aux missions de service public à de multiples réseaux et communautés (N44)
  • Considérer les bénévoles comme des transmetteurs en mesure d’informer divers acteurs du territoire (élus, habitants, partenaires etc.) sur les actions menées au sein des institutions aux missions de service public
  • Considérer les bénévoles comme des médiateurs, moteurs de l’implication d’autres personnes au sein des institutions aux missions de service public (N44)
  • Considérer les bénévoles comme des interprètes et traducteurs des codes institutionnels auprès des personnes qui en seraient éloignés (N44, N77, N62)
  • Considérer les bénévoles comme des animateurs du droit des personnes à participer à la vie culturelle d’un territoire (N44, N62, N77)

CAS D’ÉCOLE

La prise en compte du bénévole dans le dispositif départemental des Présences artistiques sur le territoire – N44

Observateur(s) : Hélène Decaudin (contact)

Institutions : Conseil départemental du Nord – Direction de le culture – service développement culturel

Résumé : En complément d’autres dispositifs qui visent à sensibiliser et soutenir le développement culturel des territoires, le Département du Nord a choisi de mettre en place un appel à projets annuel intitulé « Présences artistiques sur le Territoire » (PAT). Le PAT soutient une résidence d’artiste(s) portée par une collectivité (ou en impliquant une) mettant en œuvre une médiation originale. Chaque projet répondant à cet appel doit comptabiliser au moins 70 jours de présence d’un ou plusieurs artistes, en continu ou discontinu, sur un territoire défini en fonction de la thématique de travail choisie. Ce dispositif cherche à co-construire un projet artistique avec une diversité d’acteurs et de publics.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels le fonctionnement de ce type de dispositif et pose la question de la prise en compte des savoirs des acteurs impliqués dans les « Présences artistiques sur le Territoire ».

Favoriser l'autonomie des associations membres du CRIC, conseil roubaisien de l’interculturalité et de la citoyenneté, à Roubaix – N62

Observateur(s) : Céline Dehalu (contact)

Institution : Ville de Roubaix

Résumé : Depuis 1976, une place particulière est donnée à Roubaix aux populations issues de l’immigration dans une instance de concertation dénommée à l’époque « Commission Extra Municipale des Populations Immigrées » (CEMPI). A défaut du droit de vote aux élections locales, les élus de la Ville de Roubaix avaient voulu offrir aux communautés issues de l’immigration un cadre public et organisé leur permettant une prise de parole publique sur leur vécu, leurs expériences et leurs envies d’agir pour l’intérêt commun. Le CEMPI est devenu le Conseil Roubaisien de l’Interculturalité et de la Citoyenneté (CRIC). Les rencontres régulières dans le cadre d’une instance de concertation permettent une collaboration permanente entre associations représentant les communautés étrangères ou oeuvrant pour la promotion de l’interculturalité et, dès lors, une interconnaissance poussée.

 Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels le fonctionnement du CRIC avec comme enjeu la volonté de rendre ces associations membres plus autonomes dans leurs projets collectifs.

Portrait de bibliothécaires – N71

Observateur(s) : Lucie Richard François, Ludovic Mortagne (contact)

Institutions : Médiathèque Départementale du Nord

Résumé : Projet d’action culturelle réalisé sur le territoire du Cambrésis qui consiste en l’élaboration d’un documentaire vidéo sur le métier de bibliothécaire et d’une exposition « Portraits de bibliothécaires ». Ces productions sont diffusées sur l’ensemble du département du Nord avec pour visée le recrutement de nouveaux bénévoles au sein des médiathèques pour les revitaliser et contribuer à l’évolution des pratiques.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels comment ce type de dispositif contribue à valoriser l’engagement des bénévoles au sein des médiathèques, le métier de bibliothécaire ainsi que le rôle des médiathèques sur un territoire.

DÉPLOIEMENT DE L’ANALYSE D’UN CAS

Récit de la pratique N44

« En complément d’autres dispositifs qui visent à sensibiliser et à soutenir le développement culturel des territoires, le Département du Nord a choisi de mettre en place un appel à projets annuel intitulé « Présences artistiques sur le territoire ». Le PAT soutient une résidence d’artiste(s), portée par une collectivité (ou en impliquant une) qui va permettre une médiation originale.

Gestion de l’appel à projet PAT et suivi du dispositif : 5 conseillères de territoire du Service Développement culture rédigent et actualisent annuellement l’appel à projets, organisent la communication et l’information, accompagnent techniquement les potentiels porteurs dans le montage du projet, instruisent les demandes, leur éligibilité puis partagent leur expertise des dossiers. Enfin, elles suivent la réalisation et partagent le bilan.

L’appel à projets est lancé en janvier, avec limite de rendu fin mars. Une première instruction dans le service est enrichie d’un avis consultatif donné par un comité technique composé de techniciens culturels (collectivités) : autres acteurs de l’action culturelle, socio-culturelle, sociale, Conseil régional, Etat (DRAC) ; l’expertise des projets au regard du cahier des charges (éligibilité) puis la priorisation des projets (intérêt pour le territoire) fait ensuite l’objet d’un vote du Conseil départemental puis d’une délibération.

Après confirmation du financement du projet par le Département, la mise en œuvre est coordonnée par le porteur du projet, accompagné par l’opérateur et les partenaires. Des réunions de pilotage et organisationnelles ont été prévues dès la rédaction du projet auxquelles participent des élus, les responsables des structures impliquées ou potentielles, des participants. Le bilan organisé par le porteur rassemble aussi tous les acteurs du projet.

Le dispositif :
Porteur(s) du projet : collectivités ou EPCI, associations socio-culturelles ou socio-éducatives du territoire concerné
Opérateur(s) du projet : selon le projet, acteurs culturels (association, collectivité, compagnies, artistes…)

Chaque projet répondant à l’appel à projet PAT met en œuvre la présence artistique (d’un ou plusieurs artistes) comptabilisant 70 jours de présence (en continu ou discontinu) sur un territoire défini, rendu cohérent par une thématique propre.

Ce dispositif cherche à co-construire un projet artistique avec des publics diversifiés (identifiés ou non) et ainsi valoriser les spécificités/ressources d’un territoire aux yeux des habitants en vue de sensibiliser les responsables publics à l’intérêt du levier culturel dans l’élaboration de l’intervention publique. Cette modalité permet de créer de nouvelles relations entre artistes, habitants et élus.
Un attendu n’est jamais mentionné mais contingentera le succès du projet : l’implication de bénévoles ; qu’il soit salarié (sur un temps bénévole) ou non, professionnel ou amateur, à titre privé ou adhérent/ représentant d’une association locale, habitant, administré ou citoyen, ces personnes sont les moteurs de la co-construction, de la mise en œuvre, du rayonnement et du bilan partagé : le porteur du projet s’appuie sur les ressources humaines constitutives du territoire. Les présences individuelles, en écho à la présence d’artistes, sont néanmoins mouvantes, difficilement prévisibles. Or, dès le montage du projet ou de son instruction, il important de saisir le potentiel de personnes mobilisables. Dans le bilan, pour la poursuite de l’action après le projet, ce sont aussi elles qui seront les ambassadeurs, la mémoire des rencontres : comment mieux les prendre en compte ? »

Article 3a
  • Chaque partenaire met en œuvre la pertinence de son rôle dans les objectifs, dans les modalités d’intervention, d’évaluation, et dans le projet de suite. Convié sur la base du volontariat chaque adhérent d’association, commerçant, citoyen doit pouvoir intervenir avec son libre arbitre, son implication propre, apportant alors sa force d’action, son histoire, sa culture, son questionnement et autres ressources dans une relation interindividuelle activée par l’artiste.

Les freins à l’expression individuelle : manque de temps (entre l’artiste et les personnes) ; manque de sensibilisation ; univers de l’artiste incompatibles, inadaptation du projet aux particularités des habitants, non-pertinence du projet par rapport au territoire…

[Art 3a – L’analyse montre la dynamique impulsée de l’appel à projet et fait une relation étroite entre le fait de prendre en compte l’expression des personnes impliquées, la participation à la vie culturelle – Art 5 – et le développement de coopérations culturelles – Art. 8]
Article 3b
  • La mise en perspective artistique doit favoriser la découverte et la rencontre de l’autre et de soi-même. Ayant pour thème les spécificités du territoire, le projet valorise aussi les personnes qui constituent le territoire : le projet artistique doit être en résonance avec les objectifs définis par les partenaires et intégrer des éléments factuels repérés, liés au territoire, tout en laissant de l’espace aux rencontres possibles.

Les écueils identifiés : l’impossibilité d’intégrer des témoignages, des contributions spontanées, ou des projets qui ne concrétisent que des pratiques individuelles sans temps de partage, d’échanges, de valorisation.

[Art. 3b – L’Analyse rend compte de l’esprit de l’appel à projet en termes de prise en compte de la diversité des savoirs et de leur croisement]
Article 3c
  • La modalité de projet du PAT propose de valoriser le questionnement du territoire par lui-même : questionner son image (son histoire etc), partager la dynamique de son avenir… le projet va donc rechercher des constituants patrimoniaux et aller à la rencontre de ses repères (lieux, figures, personnes….) ; Risque : que les initiateurs du projet ne voient pas ce potentiel pour la création.
[Art. 3c – L’analyse rend compte de l’intérêt de s’attacher aux repères patrimoniaux des personnes impliquées. Une attention est portée sur l’importance de faire commun sur les valeurs véhiculées dans ce type d’action]
Article 4
  • La médiation artistique et culturelle tissée entre les participants, par l’approche individuelle, permet à l’artiste d’énoncer, déplacer, revendiquer, ouvrir les communautés en jeu, tout en formalisant un sens commun territorialisé. Le participant est le passeur entre le projet, les habitants et les élus du territoire : il contribue au développement du projet en circulant sur le territoire, l’ouvrant à des participants potentiels.
[Art. 4 – L’analyse tend à montrer comment ce type d’appel à projet favorise la composition de communautés par le rassemblement de personnes autour d’un projet commun. L’expression de l’adhésion à un projet commun est vue comme une modalité de mise en lien entre les personnes, entre les communautés, entre les lieux etc.]
Article 5
  • La personne impliquée développe une conscience de l’intérêt général ; La présence de l’artiste durant 4 mois permet d’orchestrer des rencontres inhabituelles ; chaque participant favorise l’ouverture du projet à d’autres, accompagne la découverte du territoire et de l’approche artistique tel un médiateur mais peut aussi la freiner (« ce spectacle n’est pas pour lui » ou « ce projet ne l’intéressera pas, je connais cet individu»).
[Art. 5 – L’analyse montre que l’appel à projet tend à laisser les marges de manœuvre suffisante aux porteurs de projet pour mettre en œuvre les conditions de la participation des personnes]
Article 6
  • La co-construction, réalisation, bilan partagé du projet constituent une méthodologie transférable ; l’appel à projets est pédagogique en ce sens. Le PAT est un cadre qui laisse place à l’expérimentation. Il permet de sensibiliser techniciens et élus à la dynamique de médiation artistique et culturelle. Ce dispositif participe de l’accompagnement des collectivités.

Les bénévoles (volontaires) trouvent leur motivation dans le partage de savoirs. Ils transposent leurs acquis et expériences dans le projet qui leur sert à valoriser et nourrir leur propre parcours.

[Art. 6 – L’analyse rend compte de multiples situations d’échanges de savoirs qui peuvent être générées par les projets initiés sur un territoire]
Article 7
  • Communication de l’appel à projets : sur site du Conseil départemental, par mails aux réseaux culturels, par courrier aux maires de toutes les communes du Nord et oralement aux conseillères de territoire. La diminution constante des projets présentés est liée à l’exigence du cahier des charges. Tous les ans, le cahier des charges est amélioré par les conseillères de territoire voire requestionné.
[Art. 7 – L’analyse rend compte de manière pertinente le lien qu’il a à faire entre le droit à l’information, le droit à la formation, le droit au développement de coopération culturelle – l’aspect technique des projets à monter se révèle être un frein aux prises d’initiatives sur un territoire alors qu’il devrait en être un facilitateur]
Article 8
  • La pratique des PAT vise à enclencher des collaborations entre une diversité d’acteurs. Le développement des coopérations est la conséquence avérée du dispositif. Mais le cahier des charges est complexe (relations entre porteur, opérateur, publics, partenaires). Les collectivités s’impliquent difficilement pour le portage tandis que les acteurs culturels ou des acteurs locaux sont demandeurs. La réponse au financement départemental est tardive par rapport au calendrier attendu, l’élaboration du projet demande beaucoup de temps et suscite des envies qui risquent d’être frustrées (projet non sélectionné).
[Art. 8 – L’analyse de la dynamique que peut impulser un appel à projets en termes de coopération. Elle montre aussi ce qui peut venir freiner les coopérations]
Conclusion

Le repérage dès le budget prévisionnel de la ressource des bénévoles indique de plus en plus l’importance économique qu’elle représente. Mais comment l’évaluer ? Au regard des droits culturels, il faut prendre en compte la dynamique de toute personne actrice, participante : énergie, motivation, ressort, compétences, intelligences, sensibilités, savoirs qui, finalement, constituent bien le ciment du projet et participent de sa durabilité. Un aspect reste à perfectionner (qui pourrait être transféré à tous nos dossiers de demande de subvention) : lors de la constitution des rubriques du dossier de l’appel à projet, lors de l’instruction, du suivi de la réalisation, de l’accompagnement des futurs projets, il s’agirait de porter une attention particulière à ces ressources/acteurs dans la retranscription de leurs contributions.

RESSOURCES

  • « Du droit à la culture aux droits culturels. Une première année d’observation et d’évaluation des politiques publiques départementales au regard des droits culturels », Publication Paideia, 2013.
  • « Itinéraires. Du droits à la culture aux droits culturels, un enjeu de démocratie », Publication Paideia, 2015.
  • « Ouvertures de chantiers, développer les droits culturels dans le champ du social, la lecture publique et le numérique, les patrimoines, mémoires et paysages, l’éducation et la jeunesse », Publication Paideia, 2016.
  • Campese A-C., Condemine N., Duchamp M-C., Graziani G., « L’innovation dans le travail social : une nécessaire évolution pour s’adapter au contexte sociétal et institutionnel », in Itinéraires, Publication Paideia, 2016, 26
  • Baudoin M., Bernos-Cordes C., « Le numérique, un formidable outil de médiation », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p. 48
  • Dubusset F., « Procédé Zèbre », in Itinéraires, Publication Paideia, 2015, p. 44
  • Fauquembergue O., « Camping complet », in Du droit à la culture aux droits culturels, Publication Paideia, p. 49
  • Pacaud A., « Culture pour tous : les droits culturels comme problème, ressource, solution », in Ouvertures de chantiers, publication Paideia, 2016, p. 58.
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