PROPOSITION #1
Ressources de la communauté pour la protection de l’enfance (conférence familiale)
La volonté de travailler sur la « conférence familiale » a été proposée lors du Forum Ouvert « En 2015, quelles actions et quels projets souhaitez-vous expérimenter au regard des droits culturels ? » organisé dans le cadre de la démarche Paideia, les 26 et 27 novembre 2014 à la Condition Publique de Roubaix. Dès lors, un groupe constitué d’acteurs sociaux du Département s’est organisé pour réaliser des études de cas concernant les pratiques d’accompagnement social exercés « avec » ou « auprès » d’enfants et leur famille. Les enseignements tirés de l’ensemble des cas analysés au regard des droits culturels ont permis d’élaborer cette proposition. Au cours de ce travail, la conférence familiale s’est vite affirmée comme un outil permettant de traduire concrètement les droits culturels dans l’accompagnement social et d’en démontrer la valeur ajoutée.
« La conférence familiale, inspirée des pratiques traditionnelles des Maori en Nouvelle Zélande, est une méthode de prise de décision par la famille sur les affaires la concernant dans le cadre d’un accompagnement social. Elle se fonde sur une mise en valeur des forces de la famille pour la résolution d’un problème. Elle permet à la famille de choisir avec tous ceux qui lui sont proches les ressources à mobiliser pour la résolution de ce problème. Organisée avec un travailleur social, la conférence aboutit à un plan d’action défini par la famille par lequel elle prend ses responsabilités vis-à-vis de l’enfant et donc de ses problèmes » [Campese, Condemine, Duchamp, Graziani, 2014]
“En Nouvelle-Zélande, la loi prescrit qu’avant chaque premier placement, la famille est obligée de tenir une conférence familiale. En Suède, on réserve la méthode pour les cas les plus complexes. Au Canada, elle est spécialement utilisée dans les cas de violence ; le travail est donc étroitement lié avec l’action de la justice et de la police. À Londres, où les bureaux de la conférence familiale accueillent facilement les personnes intéressées, la méthode est entrée dans les pratiques. La méthode ne pourrait-elle pas s’adapter à la France ? Elle pourrait dans certains cas être une alternative au placement ou préparer le retour d’un enfant confié” [Campese, Condemine, Duchamp, Graziani, 2014]
DÉPLOIEMENT DE LA PROPOSITION
ENJEUX
Respecter l’intérêt supérieur de l’enfant
- Favoriser l’effectivité des droits de l’enfant et du droit à l’éducation pour contribuer au libre et plein développement de son identité culturelle dans le respect des droits d’autrui
Valoriser les ressources en présence
- Reconnaître et respecter les ressources et compétences des divers acteurs concernés, à commencer par celles de l’enfant, de la famille et des proches (droit de choisir et voir respecter son identité et ses ressources culturelles).
- Optimiser les capacités et les compétences des familles en complémentarité des interventions publiques (droit à la participation à la vie culturelle et au développement de coopérations culturelles)
Assurer la continuité de l’accompagnement
- Développer et maintenir la confiance réciproque: construire une communauté de ressources dont l’objectif est l’intérêt supérieur de l’enfant (droit de se référer ou non à une communauté, de participer à la vie culturelle et aux décisions des communautés dont on est membre).
- Renforcer les acquis issus de l’expérience et la qualité relationnelle entre les personnes impliquées (droit à l’information adéquate, à la reconnaissance et au respect des ressources et liens choisis)
- « L’enfant a droit à être entendu et écouté avec toute l’attention répondant à son intérêt supérieur, ce qui signifie au premier chef le respect et la réalisation de ses droits culturels. L’enfant est écouté pour lui-même, avec toute la considération requise pour ses liens sociaux », [Meyer-Bisch, 2010]
- « Quels que soit les outils utilisés, projet pour l’enfant, conférence familiale, projet d’accompagnement etc., l’enfant doit être au coeur de notre action. Sa place est dans sa famille, avec son identité. Déplacer un enfant doit être un acte d’une grande responsabilité, qui aura des impacts sur sa vie future. Tout doit être tenté et tous les moyens mobilisés pour que ce ne soit qu’une parenthèse constructive » [Laloux, 2016, p.37]
- « Tous les droits de l’enfant, et notamment les droits culturels de l’enfant, impliquent la famille, les institutions éducatives et de formation ainsi que tous les acteurs dans la société qui sont, ou devraient être, porteurs de culture. Si le sujet de droit est bien chaque enfant, l’exercice de ses droits, libertés et responsabilités implique une étroite interaction avec toutes ces personnes, communautés et institutions, qui ont en partage les responsabilités correspondantes :
- respecter et développer les capacités de l’enfant,
- respecter, protéger et développer la diversité des ressources culturelles,
- assurer l’accessibilité à cette diversité,
- empêcher les pratiques préjudiciables aux droits de l’homme » [Meyer-Bisch, 2010]
« Le travail social a été impacté par des lois majeures ces dernières années :
- loi du 2 janvier 2002 qui rénove l’action sociale et médico-sociale, introduisant la notion de parcours individualisés en mettant la place de la famille au cœur de la prise en charge ;
- loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale : reconnaître des droits pour assumer des devoirs, associer l’enfant aux décisions qui le concerne ;
- loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : soutenir et accompagner la fonction parentale, construire un projet pour chaque enfant accueilli.
Construire un projet pour l’enfant c’est : favoriser l’implication des parents, mieux prendre en compte les attentes de l’enfant, évaluer la situation de l’enfant et de sa famille, déterminer les axes de travail, articuler les différents acteurs impliqués » [Voisin, 2013, p.50]
« Les droits culturels invitent à considérer les problématiques posées à la société non plus en termes de besoins à satisfaire, mais de capacités, d’échanges de savoirs, de liens internes et externes à développer et à tisser. Ils impliquent une mise en dialogue qui reconnaît les valeurs de l’un et de l’autre, chacun étant vu dans sa singularité et dans son environnement de vie. Ils permettent de reconsidérer chaque personne dans sa globalité, dans un contexte où les dispositifs tendent à la segmenter ». Introduction au chantier Interventions sociales et développement social local, in « Ouvertures de chantiers », Paideia, 2016, p.9
PROBLÉMATIQUES
Respect de la temporalité de chacun
- Irrespect de la temporalité de chacun : tension entre l’urgence d’agir et le temps nécessaire pour construire la confiance et identifier les valeurs partagées qui guideront le travail en commun entre tous les acteurs.
Langages / codes / modes d’expression différents
- Respecter et s’adapter aux codes et modes d’expression : il existe diverses compétences des personnes en présence, allant du niveau de maîtrise de la langue, des vocabulaires spécifiques à chaque domaine d’activité, mais aussi de l’agilité à parler de sujets difficiles (pudeur) ou d’exprimer ses émotions. Chaque personnalité est plus ou moins réservée. Tension entre la nécessité de trouver ensemble une solution et le respect des codes et modes d’expression parfois très différents de chacun.
Cohérence de l’action
- Mise en cohérence des interventions des différents acteurs : tension entre la continuité d’accompagnement nécessaire pour développer et maintenir la confiance et l’importance d’impliquer et de coordonner toutes les compétences pertinentes des différents intervenants.
- Travailler ensemble et construire l’adhésion de tous les acteurs : tension entre l’obtention de l’adhésion nécessaire à une concertation efficace et le temps de médiation nécessaire à la prise en compte des différentes interprétations par rapport au conflit.
Compréhension entre divers acteurs
- Compréhension interdisciplinaire : tension entre, d’une part la reconnaissance des savoirs et outils spécialisés de chaque discipline et métier impliqués, et de l’autre, la nécessité d’ouverture et de croisement pour développer une compréhension la plus complète possible de la situation.
- Appropriation personnelle de ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant : tension entre les diverses conceptions de ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant et les lignes rouges à ne pas transgresser.
Gérer les peurs dans la prise de risque
- Gérer des peurs dans la prise de risque: Chaque situation est singulière et pose des questions pour lesquelles la co-construction de réponses engendre une instabilité et pour certains une insécurité. Il importe de reconnaître comment la prise de risque dans les interventions est liée à des peurs de la part des professionnels mais aussi des personnes concernées. Tension entre le fait d’instaurer un climat de confiance et sécurisant pour tous les acteurs impliqués et la prise de risque que comporte la co-construction de réponse.
« Ce qui fait « savoir » ou « ressource » peut-être bridé par nos présupposés culturels. Développer les capacités des personnes à découvrir de nouveaux savoirs, et parfois, à décloisonner ou déconstruire ce qui fait ou non « savoir » paraît être la voie d’un enrichissement tant personnel que collectif. Pour qu’il y ait ressources, encore faut-il être en capacité de les voir et de les reconnaître comme telles » [Itinéraires, Paideia, 2015, p. 98-99]
« Plus j’avance dans la démarche, plus je pense que l’éloignement doit être la dernière solution. Bien sûr, il est indispensable de protéger l’enfant de la maltraitance physique, psychologique, des abus sexuels et des maladies mentales non stabilisés des parents. Mais je pense qu’il y a une dérive de vouloir éloigner l’enfant dans des contextes liés à la pauvreté sociale. Je m’interroge sur l’interprétation de la loi de mars 2007 par les professionnels à l’origine de la demande de placement. Est ce que la pauvreté est un caractère de danger imminent ? […] La séparation est douloureuse, traumatisante et souvent peu comprise. Les professionnels pensent trop souvent placement = solution. Il faut se décaler, faire le pas de côté. Nous voyons la famille dans les carences et les négligences qui ont conduit à l’éloignement de leurs enfants et nous oublions trop souvent que les parents ont des savoir-faire et des expériences de vie sur lesquels les professionnels doivent s’appuyer. Je déplore que le projet pour l’enfant et sa famille ne se généralise pas plus. Nous devons, aux enfants et à leurs familles, la formalisation de nos axes de travail pour les aider dans leur fonction parentale et réajuster notre accompagnement. Nous avons un devoir d’exigence face aux familles et aux enfants : nous devons rendre lisibles nos actions, les formaliser » [Laloux, 2016, p.36]
« Les droits culturels m’ont permis d’organiser et de prendre ma place dans l’animation des rencontres entre les enfants, les familles et les partenaires. Dans la rencontre pour construire le projet de l’enfant, je suis vigilante à valoriser le patrimoine culturel des familles et leurs potentiels. […] Je suis convaincue et habitée par le respect de l’être humain dans toute sa diversité. Le management ne s’improvise pas, il faut acquérir une bonne connaissance des interactions que produit une équipe. Nos formations diverses et variées créent de la richesse mais aussi des oppositions entre des cultures métiers différentes. Au quotidien, dans mon management, je porte une véritable attention au respect de nos formations et nos expériences. Les droits culturels, c’est aussi apprendre à manager la diversité des professionnels. Aujourd’hui, je suis convaincue que le management d’une équipe en protection de l’enfance doit passer par une sensibilisation aux droits culturels ». [Laloux, 2016, p. 37]
MISE EN ŒUVRE
Prendre en compte les expressions et les positions de tous les acteurs
Prendre en compte la diversité culturelle
- Prendre en compte les temporalités de chacun (N56a, inter-temps)
- Prendre en compte la diversité des expressions, des positions des acteurs : concertation des différents membres de la famille élargie, prise de conscience de leur choix, modèles et des personnes ressources (N67, inter-acteurs)
Travailler la posture professionnelle
Travailler sur des attitudes/postures professionnelles
- Capacité d’écoute
- Conscience et respect des identités singulières
- Acceptation des divergences d’opinion et capacités à gérer les conflits
- Reconnaissance de la légitimité des autres métiers / savoirs impliqués (N10, N69, N56a, inter-discipline)
- Respect du pouvoir d’agir de la famille
Reconnaître et mobiliser le pouvoir d’agir de tous les acteurs en présence (professionnels, enfant, famille et environnement élargi)
Donner la parole aux personnes dans les décisions qui les concernent
- Dans le cadre du projet pour l’enfant, donner une place à la parole de l’enfant et des parents autant à l’oral que dans les dossiers écrits (N10, inter-acteurs)
- Associer les parents au développement du projet de leur enfant (N10, inter-acteurs)
- Dans le cadre des informations préoccupantes, développer les modalités adéquates pour impliquer les enfants et leurs familles dans toutes les décisions qui les concernent (N55, inter-acteurs)
Valoriser et mettre à contribution la diversité des personnes et ressources
- Reconnaître et mettre en valeur les centres d’intérêt comme d’autres lieux pour puiser des ressources : journée thématique, insertion par le travail, cours et formation, club de football (N54, inter-acteurs)
Élaborer un sens partagé de ce qui est entrepris
- Créer ensemble des espaces de débats bienveillants, régis par des règles claires
- Reformuler/ élucider le langage pour assurer la compréhension partagée (soit à l’écrit, soit à l’oral, dépendant des interventions)
- Donner aux acteurs toutes les informations nécessaires favorisant un choix éclairé pour l’intérêt de leur enfant dans le cadre du secret protégé (N10)
- Travail préparatoire intense autour de la conférence familiale, par exemple avant, pendant et après (N61, interacteurs)
- Bien expliquer l’intervention, son sens et les choix possibles : – sur le fond : par exemple, en faisant la différence entre les éléments à partager et ceux qui font partie de la vie privée, de l’intimité (N55) – sur la forme : le temps à disposition, les modalités de décisions – sur les limites : ce qui peut être atteint/ demandé, ce qui n’est pas du domaine du possible
- Partager la prise de risques entre les différents acteurs
- Constance d’un intervenant (continuité, éviter les répétitions inutiles)
- Travail en continuité autour de l’enfant avec les parents (N10)
- Conserver des traces écrites et les partager
- Des étapes, des décisions qui soient partagées entre tous les acteurs (même niveau d’information)
- Information des partenaires et formation sur la conférence familiale
« Il ne suffit plus pour travailler de s’inscrire dans un schéma de réparations, où les outils étaient tout prêt à l’emploi. Il faut s’atteler à produire de la société dans les multiples situations rencontrées. Il ne s’agit plus d’imposer des normes générales d’intégration, de soumettre les individus au collectif mais de les solliciter dans ce qu’ils ont de plus personnel et de les inscrire dans une posture de projet. Notre monde social est devenu incertain, non pas par manque de repère mais au contraire par la multiplication et le foisonnement des repères sociaux. Ce qui fait société ne va plus de soi », [Astier, 2005]
« La connaissance intime des forces et des faiblesses de chacun fait du réseau familial un bassin de ressources que les professionnels ne pourront jamais atteindre. Une décision aussi bouleversante qu’un placement par exemple est mieux vécue quand elle est prise par les proches et non par les personnes dûment autorisées par leur fonction officielle. Les engagements pris par la famille seront mieux envisagés à la hauteur des possibilités réelles. Il apparaît souvent des idées originales qu’un professionnel ne pourrait pas se permettre d’évoquer », [Daatselaar, 2006]
« Une personne est autonome, non pas quand elle est indépendante, mais quand elle est capable de choisir, avec des références culturelles appropriées, ses dépendances : ses amitiés, ses liens familiaux, son milieu de travail, ses relations commerciales, médicales, de quartier… L’autonomie en ce sens plus respectueux de l’importance des liens sociaux, n’est pas une responsabilité isolée, mais une co-responsabilité. […] Aucun être humain n’est capable, à lui tout seul, de supporter la vie. Cela ne signifie pas qu’il doive se fondre dans la masse, ou qu’on doive le dissoudre dans des collectifs et des catégories. Chacun est libre dans la mesure où il se réalise comme noeud dans des tissus sociaux et tisserand (co-tisserand) de ces tissus […]. Une co-liberté, n’est pas une dissolution de la liberté personnelle, mais sa mise en situation dialectique, obligée de s’élever avec les autres libertés par le croisement de savoirs » [Meyer-Bisch, 2015]
“La pratique de la conférence familiale amène une relation symétrique, dans une posture plus confortable, facilitant l’accompagnement. Le professionnel, comme la famille prend une posture de co-construction, dans le plaisir d’une démarche apaisante et créative. La pratique de la conférence familiale a permis une autre approche de travail en collaboration avec les juges des enfants. Les membres de la famille ont pu poser leurs questions en termes de statut juridique de l’enfant, de leurs droits, de l’aide potentielle, dans le cadre d’un accueil en « Tiers Digne de Confiance ». Les professionnels y ont répondu de façon précise, avec un vocabulaire adapté à la compréhension de la famille. Pour l’installation et le déroulement de la conférence familiale, la référente sociale et le chef de service se sont mis d’accord, au préalable, sur les modalités de l’accueil de la famille, du cadre, des objectifs de cette conférence familiale puis en ont informé les membres de la famille présents. Les échanges ont été facilités par l’utilisation d’un tableau blanc, sur lequel étaient résumés, à la fois le cadre et les objectifs. Un échange a lieu sur le mode de question/réponse, à la fois sur des questions juridiques, affectives et pratiques (organisationnelles, financières… ). Les questions sont posées autant par les membres de la famille que par les professionnels. La famille parle facilement. Elle ne semble pas se censurer. Une fois la décision de déterminer la personne de la famille « Tiers Digne de Confiance » potentiel, le service Enfance communique au juge des enfants la conclusion des débats, en vue de l’audience prochaine” [Jean-Pierre Maïa, Paideia, cas d’école N61]
“La posture professionnelle de chaque acteur lors de ces rencontres est essentielle pour permettre une relation d’échanges et de co-construction, et non une relation inégalitaire entre un « sachant », le professionnel, et un « non-sachant » la famille. Cette posture de la part du professionnel permet ainsi à la famille d’être actrice de son parcours, respecte la dynamique des identités culturelles et permet également au professionnel de se former en s’ouvrant à d’autres cultures” [Cas d’école N55]
CAS D’ÉCOLE
Le projet pour l’enfant - N10
Observateur(s) : Nicole Laloux (contact)
Institution : Conseil Départemental du Nord, DT de l’Avesnois, Unité territoriale Avesnes/Fourmies, Service Enfance
Résumé :
Le projet pour l’enfant vise à :
- Associer la famille de l’enfant, si ce n’est pas préjudiciable, mettre en œuvre ses droits d’autorité parentale, l’impliquer dans la construction du projet de son enfant, c’est lui reconnaître potentiel et ressources au-delà de ses défaillances.
- Recueillir l’avis de l’enfant, privilégier son épanouissement sans gommer son histoire familiale, c’est l’aider à se construire dans sa trajectoire de vie.
- Construire, agir, évaluer avec les différents intervenants, en respectant le rôle de chacun, c’est additionner des compétences autour et pour l’enfant
Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels l’intérêt que représente le projet pour l’enfant pour tous les acteurs concernés et impliqués.
Démonstration du non intérêt d’un placement ordonné - N54
Observateur(s) : Florence Gomet (contact : florence.gomet@lenord.fr)
Institution : Conseil Départemental du Nord, UTPAS Avesnes/Helpe
Résumé :
Suite à une demande d’éloignement de deux mineurs par le service de l’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO), le juge des Enfants a ordonné le placement judiciaire. Au vu du contexte et de la perception que les acteurs sociaux du service enfance du Département avaient de la situation familiale, ils ont fait une contre-proposition au juge des enfants pour demander une intervention à domicile.
Ce cas d’école tente de faire la démonstration par l’analyse de la situation au regard des droits culturels, du non intérêt du placement ordonné.
L’information préoccupante - N55
Observateur(s) : les membres du chantier « Information Préoccupante (IP) », rédaction du cas Marie Chastel (contact marie.chastel@lenord.fr)
Institution : Conseil Départemental du Nord, Direction de l’enfance et de la famille et UTPAS
Résumé : L’ensemble de la démarche d’évaluation et du traitement des IP (informations préocupantes) est placé sous la responsabilité du Responsable d’UTPAS. L’adjoint au RUTPAS et/ou un secrétaire médico-social assure le traitement administratif de l’IP. Les professionnels sociaux et médico sociaux de l’UTPAS réalisent une évaluation de la situation de la famille qui doit permettre de déterminer si un enfant est en danger ou en risque de danger au sens de la loi.
Ce cas d’école analyse toute la procédure d’évaluation mise en œuvre au regard des droits culturels afin d’observer en quoi ceux-ci sont plus ou moins respectés. Ce travail permet de mettre à jour les problématiques complexes que pose le jugement de valeur dans les situations signalées par une IP.
Périnatalité et droits culturels ; laïcité - N56 ; N56a ; N56b ; N56c ; N56d
Observateur(s) : Anne-Sophie Baudchon (sage-femme), Dr Warembourg, Corinne Salin (sage-femme), Catherine Lesage (sage-femme), (contact annesophie.baudchon@lenord.fr)
Institutions : Protection Maternelle et Infantile (PMI), Centre hospitalier, Cabinet libéral, Conseil Départemental du Nord.
Résumé : grappe de cas d’école qui permet l’analyse au regard des droits culturels de diverses situations concernant la périnatalité. Chaque cas d’école décrit des dissensus voire des conflits culturels entre les acteurs du corps médical, la femme enceinte et les familles, que ce soit lors des consultations (ex. rapport au corps, à la contraception), lors du suivi médical (ex. rapport à l’administration, aux « rendez-vous ») ou pour les soins à prodiguer, surtout en cas de force majeure (ex. rapport au soin médical, à la santé, à l’enfant).
Mise en place d’une conférence familiale - N61
Observateur(s) : Jean-Pierre Maia (contact : jeanpierre.maia@lenord.fr)
Institutions : Conseil Départemental du Nord
Résumé : Situation délicate d’un enfant né sous emprise médicamenteuse et accueilli par sa grand-mère paternelle alors qu’elle est elle-même en difficulté avec les parents de l’enfant. Un placement provisoire est décidé. La famille se dit opposée au placement et envisage d’écrire au juge des enfants pour obtenir la garde. Les relations entre la famille, le Service Enfance et le juge s’effilochent alors que le placement provisoire arrive à son terme. Il est alors décidé de mettre en place une conférence familiale…
Ce cas d’école analyse la mise en place d’une conférence familiale au regard des droits culturels : en quoi cette pratique permet d’élaborer une décision partagée dans le souci des différentes positions des acteurs ?
Amont de la conférence familiale : mobiliser les ressources familiales - N67
Observateur(s) : Sylvie Roger (contact : sylvie.roger@lenord.fr)
Institutions : Conseil Départemental du Nord – Service de Protection Maternelle et Infantile (PMI)
Résumé : Situation d’une famille dont les 2 premiers enfants sont confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et qui en attend un 3e. Mobilisation des acteurs médico-sociaux dont certains pensent qu’un maintien du bébé avec ses parents est possible au vu de leur progrès dans les relations qu’ils entretiennent avec les 2 ainés. L’enjeu est alors de voir avec les membres de la famille élargie comment ce maintien est envisageable par la valorisation et le renforcement des compétences des jeunes parents et un accompagnement soutenu des services sociaux.
Ce cas d’école analyse le travail réalisé avec cette famille au regard de droits culturels. Ce travail se rapproche de ce que pourrait être une « conférence familiale » et fait la démonstration de l’intérêt d’approfondir cette méthode de co-élaboration de solution.
Récit :
« Les acteurs médico-sociaux se réunissent à l’annonce de la 3ème grossesse de madame X. Ses deux ainés sont déjà confiés à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) en pouponnière depuis quelques mois : ils souffraient principalement de retards par manque de stimulation et de défaut d’hygiène. Une des explications est que leur mère était alors sans réel domicile fixe : elle était hébergée par sa propre mère, qui n’acceptant pas la présence chez elle du père des enfants, « obligeait » sa fille à se déplacer avec les 2 petits chez la mère de monsieur, qui elle-même la renvoyait au bout de quelques jours.
Depuis le placement, les jeunes parents se rendent chaque semaine en visite médiatisée à la pouponnière où ils s’occupent correctement des petits, avec les conseils du personnel éducatif.
La synthèse effectuée à 5 mois de cette 3e grossesse met surtout en évidence les difficultés de la jeune mère. Il est alors préconisé de préparer une demande de placement à la naissance. Cependant certains travailleurs sociaux pensent qu’un maintien du bébé avec ses parents est possible si le jeune couple est soutenu et s’il a un lieu de vie stable.
Le travail habituel est fait auprès des parents pour que la grossesse soit bien suivie, que monsieur se positionne, qu’ils acceptent d’entamer les démarches de logement. Des entretiens sont proposés aux jeunes parents et avec leur accord, des rencontres sont proposées avec leurs proches, susceptibles de les aider dans leur quotidien auprès des enfants. Ces rencontres se font en présence de la sage femme et/ou de l’assistante sociale pour trouver une solution sécurisante d’accueil et de prise en charge du bébé à naitre. Les travailleurs sociaux rencontrent donc la mère de madame, les frères et sœurs de chacun des jeunes parents, en leur présence, pour voir si et comment le bébé pourrait éventuellement être accueilli chez eux ; la sœur de monsieur qui a une petite fille et vit dans un appartement pourrait loger le couple et le nouveau né le temps nécessaire à la prise de repères pour les soins et la manière d’élever un enfant.
Les services de la maternité ont été rencontrés lors de réunions médico-sociales où sont présentées les situations de mères vulnérables. Madame a été soutenue par la psychiatre du service – soutien nécessaire étant donné les grands changements relationnels avec sa mère, impactés par la naissance et le travail effectué avec les travailleurs sociaux »
Efficience de la rencontre avec l’entourage familiale au regard des droits culturels :
- La mère de la jeune femme a pu signifier qu’il y avait un paradoxe entre le fait de ne pas accepter le jeune père au domicile et le refus de voir sa fille quitter le domicile : frein à l’existence du jeune couple en tant que tel, pourtant déjà parents de 2 enfants.
- Les modèles parentaux maternels et paternels sont pris en compte et rendus accessibles aux jeunes parents. La belle-sœur partage également sa propre expérience de mère de famille.
- La mise en commun des points de vus éducatifs de la grand-mère et de la tante des enfants, des personnels médico-sociaux de l’UTPAS et de la pouponnière a permis aux jeunes parents d’évoluer dans leur savoir faire ; ils ont pu entendre certains conseils et prendre de la distance avec certaines idées reçues. Les parents ont acquis un savoir-faire par expérience dans le lieu de vie des ainés et avec la sœur du père.
- La manière dont les parents ont été mobilisés pour éviter le placement du 3ème enfant a permis un travail en collaboration avec la puéricultrice et l’assistante sociale avec lesquelles les relations étaient difficiles auparavant et une valorisation de toutes les compétences en présence, notamment celle des parents vis-à-vis de leurs 2 ainés
- Ce travail a permis un autre regard sur les services de PMI. Ces « réunions en famille » avec les parents modifie l’image du « placeur d’enfant » que peuvent avoir les acteurs médico-sociaux pour la transformer « personnes ressources » pouvant fournir les informations administratives, juridiques etc.
Conclusion :
Dans les familles vulnérables, les interventions précoces peuvent être beaucoup plus efficaces en renforçant les compétences des personnes concernées grâce à un rassemblement des ressources familiales.
Ce travail de mobilisation de la famille élargie permet d’éviter l’opposition aux services sociaux. Le rassemblement de tous les membres de la famille contactés lors d’une réelle conférence familiale aurait certainement permis d’éviter des navettes entres les personnes et surtout de formaliser la solution retenue.
RESSOURCES
- Astier I., « Qu’est-ce qu’un travail public ? Le cas des métiers de la ville et de l’intervention sociale », in le travail social en débat, Ion J. (dir.), Paris, La Découverte, 2005.
- Campese A-C, Condemine N., Duchamp M-C., Graziani G., « Que veut-on comme travail social et médico social aujourd’hui ? », Contribution Conseil général de l’Ardèche, 2014.
- Campese A-C., Condemine N., Duchamp M-C., Graziani G., « L’innovation dans le travail social : une nécessaire évolution pour s’adapter au contexte sociétal et institutionnel », in Itinéraires, Publication Paideia, 2016, p. 26
- Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE), 1989. http://www.humanium.org/fr/convention/texte-integral-convention-internationale-relative-droits-enfant-1989/
- Daatselaar Hélène, « La conférence familiale : devenir acteur de sa vie », Empan2/2006 (no 62), p. 136-139
- Laloux N., « Le projet pour l’enfant : une reconnaissance des familles et des professionnels », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p. 36
- Voisin, « Le projet pour l’enfant », in Du droit à la culture aux droits culturels, Publication Paideia, 2013, p. 50
- Meyer-Bisch P., « Cultiver la texture sociale, comprendre le potentiel social des droits culturels », Vie Sociale N05, 2014, « Pratiques artistiques et intervention sociale », pp. 11-25.
- Meyer-Bisch P., « Du « vivre ensemble » au « vivre en intelligence », comprendre le potentiel social des droits culturels », in Ouvertures de chantiers, Publication Paideia, 2016, p. 10
- Meyer-Bisch P., L’enfant, sujet et témoin. Les droits culturels de l’enfant”, Schulthess, Genève-Zürich, 2012.
- Meyer-Bisch P., « L’enfant, sujet et témoin. Les droits culturels de l’enfant », Synthèse, 2010. https://www.unifr.ch/iiedh/assets/files/DS/DS18-Droits_culturels_de_lenfant.pdf
- http://www.questiondejustice.fr/index.php/pratiques-et-methodes/conference-familiale
- http://alfoldievaluation.com/familygroupconferencing.html