PROPOSITION #3

Le droit à l’information pour tous les acteurs dans la procédure de l’IP

La volonté de travailler sur la procédure de l’Information Préoccupante (IP) au regard des droits culturels a été formulée lors du Forum Ouvert « En 2015, quelles actions et quels projets souhaitez-vous expérimenter au regard des droits culturels ? » organisé dans le cadre de la démarche Paideia, les 26 et 27 novembre 2014 à la Condition Publique de Roubaix.
Dès lors, un groupe constitué d’acteurs sociaux du Département s’est organisé pour réaliser des études de cas concernant des situations où l’obtention d’« informations sur » la famille était particulièrement en jeu pour décider d’une prise en charge sociale. Les enseignements tirés de l’ensemble des cas analysés au regard des droits culturels ont permis d’élaborer cette proposition argumentée.
Au cours de ce travail les réflexions ont portées sur le fait qu’une « information préoccupante » ne pouvait être circonscrite à une « collecte de données suffisantes » pour déclencher une procédure administrative bien souvent lourde de conséquence sur la vie des personnes.

« Lorsqu’une personne (dans le cadre de ses fonctions ou en tant que citoyen) estime qu’un enfant est susceptible d’être en risque de danger ou en danger, elle transmet au Département une Information Préoccupante (IP). Elle peut ainsi téléphoner à l’UTPAS ou au 119, adresser un courrier au Département ou se rendre directement dans une UTPAS. La personne qui prend contact avec le Département le fait en fonction de ses propres valeurs et de ses références personnelles sur le bien-être et la bien-traitance de l’enfant. Les professionnels sociaux et médico sociaux de l’UTPAS réalisent une évaluation de la situation de la famille qui doit permettre de déterminer si un enfant est en danger ou en risque de danger au sens de la loi. Un mineur est dit en risque de danger ou en danger quand « sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou ses conditions d’éducation ou de développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être » (article R 226-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles) » [Cas d’école N55 – L’information Préoccupante]
« La loi de mars 2007 vise à améliorer la protection de l’enfance dans le domaine de la prévention, de la diversification des mesures et surtout du repérage de mineurs en risque de danger ou en danger. Ce volet de la loi, celui qui nous occupe ici, introduit de profonds changements dans la posture des services sociaux du département. Ceux-ci deviennent les premiers destinataires de toute information laissant penser qu’un enfant est en danger ou en risque de l’être et ont la responsabilité première de traiter cette information à l’aide d’une cellule unique départementale » [Deydier et Eymennier, 2010, p.36]

DÉPLOIEMENT DE LA PROPOSITION

ENJEUX

Respecter l’intérêt supérieur de l’enfant
  • Mettre en place les conditions favorables au respect de l’enfant : reconnaissance de l’obligation de protéger et mettre en place les conditions qui lui permettront de développer librement son identité et ses capacités (droit de choisir son identité, de voir son identité respectée, droit de se reconnaître ou non dans une communauté, droit à l’éducation, dimension culturelle du droit à un environnement sain)
Se respecter chacun et respecter la confidentialité
  • Développer et maintenir la confiance réciproque: construire du lien social, connaitre et reconnaitre l’autre, travailler sur les préjugés qui freinent la relations à l’autre (droit de choisir son identité, de voir son identité respectée, droit de se référer ou non à une communauté, de participer à la vie culturelle et aux décisions des communautés dont on est membre)
  • Reconnaître et respecter les références culturelles : travailler à la protection de l’enfant tout en respectant les références culturelles de tous les acteurs impliqués, malgré les différences dans les valeurs (choisir et voir respectée son identité et ses références culturelles, connaître la diversité culturelle)
Éviter le placement
  • Soutenir la famille dans son rôle et ses responsabilités : reconnaître et développer les ressources parentales et celles des proches, les mettre en connexion, ce qui permet d’éviter les coûts humains et économiques (élevés) liés au placement (voir son identité respecter, droit à la formation tout au long de la vie)
  • Optimiser les ressources et l’intervention professionnelles : enrichir les propositions des prises en charges plus adéquates, voir innovantes, par rapport aux situations particulières de l’enfant et de sa famille (droit de participer à des coopérations)
Dédramatiser le recours à l’IP
  • Dédramatiser l’IP par rapport aux autres acteurs (éduc. nationale, partenaires, habitants …) (droit de s’informer et d’informer, droit à une information libre et pluraliste dans le respect de l’intimité des personnes et la bienveillance)

« La loi nous dit aussi que les parents doivent être considérés comme les premiers acteurs d’une protection dont leurs enfants pourraient avoir besoin. Cette visée ne modifie pas la fonction des services sociaux ni celle des juges des enfants mais modifie l’ordre d’intervention des uns et des autres. Ces dispositions ont amené les départements, les différents services sociaux et les autorités judicaires à se repositionner à s’organiser et à se concerter, notamment par la mise en place de protocoles d’interventions. » [Deydier et Eymennier, 2010, p.36-37]

 

 « Dans le cadre général du droit à la liberté d’expression, y compris artistique, des libertés d’opinion et d’information, et du respect de la diversité culturelle, toute personne, seule ou en commun, a droit à une information libre et pluraliste qui contribue au plein développement de son identité culturelle ; ce droit, qui s’exerce sans considération de frontières, comprend notamment :

  1. la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre les informations ;
  2. le droit de participer à une information pluraliste, dans la ou les langues de son choix, de contribuer à sa production ou à sa diffusion au travers de toutes les technologies de l’information et de la communication ;
  3. le droit de répondre aux informations erronées sur les cultures, dans le respect des droits énoncés dans la présente Déclaration » [Déclaration des droits culturels, art. 7]

PROBLEMATIQUES

Travailler avec la diversité des points de vue, références culturelles et vécus
  • Diverses conceptions de l’intérêt supérieur de l’enfant : tension entre les diverses conceptions de ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant et les lignes rouges (danger) à ne pas transgresser.
Procédures d’intervention peu claires pour les personnes concernées
  • Posture attribuée aux travailleurs médico-sociaux et à l’institution : tension entre la loi de 2007, qui positionne les travailleurs médico-sociaux en évaluateurs détenteur d’un jugement, et l’éthique du travail social, qui se conçoit en aidant la famille. Perception des travailleurs médico-sociaux comme les ennemis et donc posture de méfiance, de défiance des familles.
  • Manque de clarté de l’intervention : absence dans certains départements de référentiel pour l’évaluation de l’IP, d’outils pour appréhender la diversité culturelle et manque parfois de coordination entre les nombreux acteurs professionnels impliqués ; pertinence d’impliquer des membres de la famille élargie.
Construire l’adhésion
  • L’intervention découle d’une situation de conflit dans laquelle les travailleurs médico-sociaux ont le devoir d’intervenir, même s’il y a désaccord de la part de la famille. Tension entre le fait de construire l’adhésion nécessaire pour recueillir l’expression de la famille en fin d’évaluation et l’impliquer dans une démarche de recherche de solution.
Respect de l’intimité et secret professionnel
  • Informer le contexte et l’histoire de la famille : tension entre la nécessité d’accéder aux informations contextuelles et historiques qui permettent une compréhension fine des situations dans un moment de conflit (temps court), tout en respectant la vie privée et l’intimité des personnes et de la famille.
  • Secret professionnel et secret partagé

« La désignation d’un lieu unique provoque l’afflux d’un nombre élevé d’informations que les services du conseil général doivent recueillir, traiter et évaluer, mais avant tout s’assurer que « l’information » reçue est bien une « information préoccupante. » [Deydier et Eymennier, 2010, p.37-38]

« Comment se pratique cette évaluation ? Qui participe à sa réalisation ? […] La loi prévoit, en outre, que les services publics et les associations qui concourent à la mission de protection de l’enfance puissent y être associés. C’est là un des enjeux fort des protocoles passés entre les principaux partenaires de la protection de l’enfance. » [Deydier et Eymennier, 2010, p. 38]

« Plus certainement, l’évolution de la notion de danger aujourd’hui commun au Code civil et au Code de l’action sociale et des familles et l’affirmation du principe de subsidiarité de l’intervention judiciaire évoqué plus haut ne sont pas encore totalement intégrés par les travailleurs sociaux qui évaluent la situation des enfants désignés en risque de danger et par les responsables de l’Aide sociale à l’enfance. Le danger reste trop souvent un critère automatique et suffisant de saisine du juge des enfants, en négligeant que c’est l’association du danger et de l’absence de volonté ou de capacité protectrice des parents qui devient le critère » [Deydier et Eymennier, 2010, p. 41]

« Plus j’avance dans la démarche, plus je pense que l’éloignement doit être la dernière solution. Bien sûr, il est indispensable de protéger l’enfant de la maltraitance physique, psychologique, des abus sexuels et des maladies mentales non stabilisés des parents. Mais je pense qu’il y a une dérive de vouloir éloigner l’enfant dans des contextes liés à la pauvreté sociale. Je m’interroge sur l’interprétation de la loi de mars 2007 par les professionnels à l’origine de la demande de placement. Est ce que la pauvreté est un caractère de danger imminent ? Est-ce que l’insalubrité est un caractère de danger imminent ? Est-ce que la déscolarisation est un caractère de danger imminent ? Est-ce que la peur de son enfant devenu adolescent est un caractère de danger imminent ? La séparation est douloureuse, traumatisante et souvent peu comprise. Les professionnels pensent trop souvent placement = solution. Il faut se décaler, faire le pas de côté. Nous voyons la famille dans les carences et les négligences qui ont conduit à l’éloignement de leurs enfants et nous oublions trop souvent que les parents ont des savoir-faire et des expériences de vie sur lesquels les professionnels doivent s’appuyer. Je déplore que le projet pour l’enfant et sa famille ne se généralise pas plus. Nous devons, aux enfants et à leurs familles, la formalisation de nos axes de travail pour les aider dans leur fonction parentale et réajuster notre accompagnement. Nous avons un devoir d’exigence face aux familles et aux enfants : nous devons rendre lisibles nos actions, les formaliser » [Laloux, 2016, p. 36]

MISE EN OEUVRE

Créer une formation action « IP-droits culturels » basée sur l’analyse de la pratique
  • Construire la formation :
    – Sensibiliser et former les travailleurs sociaux et médico-sociaux à l’évaluation de l’IP, dans le respect des droits culturels de chacun (N55, inter-disciplines)
    – Créer une formation / action spécifique « évaluer une IP au travers des droits culturels », à travers de l’analyse de pratique par exemple
Revoir la procédure et le document « IP » (NFE = note de fin d’évaluation) pour une collaboration effective avec la famille
  • Prioriser la prévention:
    – Intervention précoce (développer, préciser) (N67, inter-temps, inter-économies) renforcer les compétences, les aptitudes des professionnels et des personnes (formations)
    – Reconnaître l’investissement en temps nécessaire pour construire la relation (N54, inter-temps, inter-économies)
  • Revoir la procédure et le document de note de fin d’évaluations (NFE) pour une expression libre et éclairée de la famille tout au long de la procédure. Revoir cette note en collaboration avec les familles.
Favoriser une expression libre et éclairée de la famille tout au long de la procédure
  • Bien expliquer l’intervention, son sens et les choix possibles
    – Expliquer le processus, favoriser l’expression des questions, expliquer le plus possible la procédure (donner des clés de compréhension), favoriser les échanges entre les professionnels et les personnes
    – Mettre en place un protocole d’intervention (N56, inter-disciplines)
  • Diversifier les modes et espaces d’expression
    – Favoriser au mieux l’expression des personnes (N61, inter-disciplines) notamment de celle de l’enfant (exemple par le biais de la note de fin d’évaluation)
    – Revoir avec la collaboration des familles, les modalités d’expressions dans le cadre de la procédure IP (NFE ? ou autres espaces à créer ?)
    – Respecter la liberté pour la famille de chercher, recevoir et transmettre des informations (N10)
Questionner, à chaque IP, la pertinence d’associer les ressources extérieures à la famille
  • Mobiliser les ressources en présence
    – Déterminer les axes de travail tant du point de vue de la prise en charge de l’enfant au quotidien que du point de vue de l’accompagnement familial (N10, inter-acteurs)
    – Développer, au cas par cas, un processus similaire à la conférence familiale dans le cadre de l’IP, impliquant davantage les familles (N55, inter-acteurs) l’enfant, sa famille et son environnement
  • Travail transversal en interdisciplinarité
    – Travail transdisciplinaire pour permettre un accompagnement global des personnes (N56a, N69, inter-disciplines)
    – Organiser l’articulation des différents acteurs impliqués (N10, inter-acteurs)
    – Différencier l’équipe d’intervention de l’équipe accompagnante (N55, inter-acteurs)
    – Tout en respectant le secret professionnel, s’appuyer sur les collègues et utiliser les outils à disposition pour analyser la pratique ou la situation (N55, inter-acteurs)
    – Appliquer le projet pour l’enfant à tout enfant accueilli et non comme une exception (N10, inter-publics)
    – Partager la notion de risque entre tous les acteurs impliqués afin de la travailler ensemble (N54, inter-secteurs)
    – Communiquer davantage, se faire connaitre, se rencontrer (pour expliciter notre éthique et nos modalités de fonctionnement) : travailler le partenariat local
  • S’appuyer sur des personnes relais (intermédiation)
    – Identifier des intermédiaires ayant des connaissances interculturelles (N56a, inter-acteurs)
    – Donner le pouvoir d’informer : un membre de la famille peut transmettre l’information et mobiliser les autres (N61, inter-acteurs)
    – Favoriser la médiation entre pairs pour susciter la participation (N61)

« Les problématiques multiples et complexes, éducatives, sociales ou de soins que présentent de plus en plus les jeunes faisant l’objet d’informations préoccupantes, nécessitent une approche multipartenariale impliquant des intervenants de plusieurs institutions. Une plus grande synergie avec les autres compétences est nécessaire : magistrats, protection judiciaire de la jeunesse, Éducation nationale, pédopsychiatrie, associations, etc. Les protocoles et plus largement les schémas départementaux doivent fédérer l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs afin d’élaborer et mettre en oeuvre les politiques publiques de protection de l’enfance. Les observatoires de l’enfance en danger devraient à terme constituer un outil indispensable de connaissance des phénomènes et problématiques rencontrées, un espace dynamique d’échanges et de réflexions partenariales et un espace de propositions pour impulser une dynamique de développement des politiques départementales de prévention et de protection de l’enfance » [Deydier et Eymennier, 2010, p. 44]

CAS D’ÉCOLE

Le projet pour l’enfant - N10

Observateur(s) : Nicole Laloux (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, DT de l’Avesnois, Unité territoriale Avesnes/Fourmies, Service Enfance

Résumé :

Le projet pour l’enfant vise à :

– Associer la famille de l’enfant, si ce n’est pas préjudiciable, mettre en œuvre ses droits d’autorité parentale, l’impliquer dans la construction du projet de son enfant, c’est lui reconnaître potentiel et ressources au-delà de ses défaillances.

– Recueillir l’avis de l’enfant, privilégier son épanouissement sans gommer son histoire familiale, c’est l’aider à se construire dans sa trajectoire de vie.
– Construire, agir, évaluer avec les différents intervenants, en respectant le rôle de chacun, c’est additionner des compétences autour et pour l’enfant.

Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels l’intérêt que représente le projet pour l’enfant pour tous les acteurs concernés et impliqués.

Démonstration du non intérêt d’un placement ordonné - N54

Observateur(s) : Florence Gomet (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, UTPAS Avesnes/Helpe

Résumé :

Suite à une demande d’éloignement de deux mineurs par le service de l’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO), le juge des Enfants a ordonné le placement judiciaire. Au vu du contexte et de la perception que les acteurs sociaux du service enfance du Département avaient de la situation familiale, ils ont fait une contre-proposition au juge des Enfants pour demander une intervention à domicile.

Ce cas d’école tente de faire la démonstration par l’analyse de la situation au regard des droits culturels, du non intérêt du placement ordonné.

L’information préoccupante - N55

Observateur(s) : Les membres du chantier « Information Préoccupante (IP) », rédaction du cas Marie Chastel (contact)

Institution : Conseil Départemental du Nord, Direction de l’enfance et de la famille et UTPAS

Résumé :

L’ensemble de la démarche d’évaluation et du traitement des IP est placé sous la responsabilité du Responsable d’UTPAS. L’adjoint au RUTPAS et/ou un secrétaire médico-social assure le traitement administratif de l’IP. Les professionnels sociaux et médico sociaux de l’UTPAS réalisent une évaluation de la situation de la famille qui doit permettre de déterminer si un enfant est en danger ou en risque de danger au sens de la loi.

Ce cas d’école analyse toute la procédure d’évaluation mise en œuvre au regard des droits culturels afin d’observer en quoi ceux-ci sont plus ou moins respectés. Ce travail permet de mettre à jour les problématiques complexes que pose le jugement de valeur dans les situations signalées par une IP.

Périnatalité et droits culturels - N56, N56a, N56b, N56c, N56d

Observateur(s) : Anne-Sophie Baudchon (sage-femme), Dr Warembourg, Corinne Salin (sage-femme), Catherine Lesage (sage-femme), (contact)

Institutions : Protection Maternelle et Infantile (PMI), Centre hospitalier, Cabinet libéral, Conseil Départemental du Nord.

Résumé : Grappe de cas d’école qui permet l’analyse au regard des droits culturels de diverses situations concernant la périnatalité. Chaque cas d’école décrit des dissensus voire des conflits culturels entre les acteurs du corps médical, la femme enceinte et les familles, que ce soit lors des consultations (ex. rapport au corps, à la contraception), lors du suivi médical (ex. rapport à l’administration, aux « rendez-vous ») ou pour les soins à prodiguer, surtout en cas de force majeure (ex. rapport au soin médical, à la santé, à l’enfant).

Amont de la conférence familiale : mobiliser les ressources familiales - N67

Observateur(s) : Sylvie Roger (contact)

Institutions : Conseil Départemental du Nord – Service de Protection Maternelle et Infantile (PMI)

Résumé : Situation d’une famille dont les 2 premiers enfants sont confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et qui en attend un 3ème. Mobilisation des acteurs médico-sociaux dont certains pensent qu’un maintien du bébé avec ses parents est possible au vu de leur progrès dans les relations qu’ils entretiennent avec les 2 ainés. L’enjeu est alors de voir avec les membres de la famille élargie comment ce maintien est envisageable par la valorisation et le renforcement des compétences des jeunes parents et un accompagnement soutenu des services sociaux.

Ce cas d’école analyse le travail réalisé avec cette famille au regard de droits culturels. Ce travail se rapproche de ce que pourrait être une « conférence familiale » et fait la démonstration de l’intérêt d’approfondir cette méthode de co-élaboration de solution.

Une rencontre au musée – N69

Observateur(s) : Nathalie Asensio (contact)

Institutions : Lieu de Rencontre Parent(s)/Enfant(s) (LRPE) – Direction Territoriale de Flandres Maritimes (DTFM) – Conseil Départemental du Nord

Résumé : Le LRPE est destiné aux rencontres entre parents et enfants mineurs, placés en institution ou famille d’accueil. Des travailleurs sociaux, nommés « accueillants » sont présents pour accueillir parents et enfants dans les lieux. Ces rencontres sont dites « médiatisées » lorsqu’il importe d’aider les parents à dépasser les difficultés ou conflits à l’origine du placement et de soutenir leurs compétences parentales. Dans cette perspective, la présence de l’accueillant durant les rencontres et globalement l’utilisation du dispositif n’a pas vocation à se pérenniser. L’objectif est de permettre le développement de l’autonomie et une relation satisfaisante sans l’intervention d’un tiers. Lors d’une de ces rencontres, une famille propose une sortie au musée des Beaux-Arts accompagnée par une accueillante. Ce cas d’école analyse au regard des droits culturels les incidences de cette « simple » sortie au musée dans la relation parents-enfants et invite à repenser les multiples dimensions que recouvre « la rencontre » entre parents et enfants au passé relationnel complexe.

ANALYSE D’UNE PRATIQUE

Récit du cas N55 - L'information préoccupante

« Lorsqu’une personne (dans le cadre de ses fonctions ou en tant que citoyen) estime qu’un enfant est susceptible d’être en risque de danger ou en danger, elle transmet au Département une information préoccupante. Elle peut ainsi téléphoner à l’UTPAS ou au 119, adresser un courrier au Département ou se rendre directement dans une UTPAS. La personne qui prend contact avec le Département le fait en fonction de ses propres valeurs et de ses références personnelles sur le bien-être et la bientraitance de l’enfant. […] La secrétaire médico-sociale ou l’adjointe au RUTPAS rassemble les éléments déjà connus sur la situation de la famille au sein du Département. Ces éléments de recueil permettent à un responsable de service de permanence de faire une 1ère analyse de la situation de la famille et de décider de qualifier ou non l’information reçue.

Si l’information reçue n’est pas qualifiée, la situation est alors soit clôturée sans autre intervention, soit orientée vers un service de l’UTPAS ou un service d’Aide éducative en milieu ouvert (AEMO) pour reprise des éléments reçus dans le cadre d’un accompagnement ou d’une mesure déjà existante.

Si l’information est qualifiée, un binôme de professionnels sociaux et/ou médico-sociaux issus des services SSD, PMI, Enfance ou SPS évalue alors la situation de la famille pour déterminer d’une part si l’enfant est en risque de danger ou en danger d’autre part quelles actions pourraient être mises en place pour aider la famille et protéger l’enfant.

L’évaluation est réalisée à travers des entretiens collectifs ou individuels avec les membres de la famille, à domicile ou à l’UTPAS. Un contact est également établi avec les professionnels qui sont en contact avec l’enfant (école, médecin, éducateur sportif, psychologue du CMPP etc.). Au sein de la Cellule Hebdomadaire d’Evaluation et de Suivi (CHES), les évaluateurs soit, le responsable de service de permanence, ainsi que les professionnels de secteur, une psychologue et les autres responsables de service de l’UTPAS analysent la situation et décident des entretiens à conduire et de la manière de les conduire. Les partenaires peuvent être invités, ainsi que tout professionnel du Département qui, par sa compétence, peut contribuer à l’évaluation de la situation (sage-femme, infirmière, psychologue, conseillère en économie sociale et familiale, conseillère conjugale etc.). La CHES garantit la pluridisciplinarité de l’évaluation de l’information préoccupante. Une situation peut être abordée une ou plusieurs fois en CHES, en fonction de sa complexité. Il y a alternance entre la CHES et les rencontres avec la famille. Le responsable de service de permanence, après avis de la CHES, propose également au RUTPAS les suites qui peuvent être données à l’information préoccupante après sa clôture. Ces propositions font l’objet d’un échange avec la famille ; un engagement de cette dernière est en effet nécessaire à la mise en place effective de toute aide. L’évaluation fait l’objet d’un rapport rédigé par les évaluateurs et validé par le responsable de service et le RUTPAS. Les parents expriment par écrit leur avis sur le rapport d’évaluation ; cet avis est joint au rapport et pris en compte dans la décision finale de clôture d’évaluation de l’information préoccupante »

Articles 3 et 7
  • Identité culturelle du professionnel : les professionnels sociaux et médico-sociaux réalisent un travail complexe, qui vise à concilier l’aide à l’enfant et sa famille et la protection de l’enfant, éventuellement contre l’avis de la famille (par exemple en cas de placement). Cette tension peut le conduire à gérer des contradictions entre son éthique professionnelle, tournée vers l’aide, et le « contrôle social », que peut engendrer l’évaluation des informations préoccupantes. La PMI a vu ainsi son image auprès des familles changer de manière importante depuis son implication dans le traitement des informations préoccupantes.
  • Identité culturelle du partenaire : le partenaire qui recueille la parole de l’enfant noue bien souvent une relation de confiance avec l’enfant et/ou sa famille. Décider de transmettre une information préoccupante peut comporter pour lui le risque de la perdre. De plus, en raison du secret professionnel, le partenaire peut avoir l’impression de ne pas être suffisamment informé de la prise en compte ou non de l’information qu’il a transmise.
  • Identité culturelle de la famille : l’évaluation de la situation de la famille est globale. Les professionnels sont ainsi conduits à entrer dans l’intimité des familles et à apprécier à la fois s’il y a danger ou pas et quelles sont les ressources de la famille. De ce fait, l’identité culturelle de la famille est sans cesse interrogée (valeurs, histoire, mode de vie, conviction religieuse, etc.). Il n’a pas été développé d’actions spécifiques pour accompagner et soutenir les professionnels dans cette évaluation complexe.
  • Identité culturelle de l’enfant : l’un des risques de l’évaluation de la situation familiale est de se laisser « absorber » par la situation des adultes au sein de la famille et de ne pas suffisamment prendre en compte la parole de l’enfant et sa situation. Les professionnels ne sont par ailleurs pas formés à l’entretien avec un enfant.
[Art. 7 et 3 – L’analyse rend compte de multiples tensions liées à la production et la mise en partage d’informations associées à la prise en compte des références culturelles de toutes les personnes impliquées. Ce lien complexe met à jour le besoin de formation des professionnelles – Art.6]
Articles 6 et 8

Dans le premier degré, les directeurs d’école sont plus isolés et les professionnels du Département doivent davantage accompagner les directeurs d’école et intervenir de manière plus étroite auprès des familles. La posture professionnelle de chaque acteur est essentielle pour permettre une relation d’échanges et de co-construction, et non une relation inégalitaire entre un sachant, le professionnel, et un « non-sachant » la famille. Une formation des professionnels sur l’inter culturalité pourrait être renforcée pour permettre une compréhension plus fine du milieu culturel des familles.

Les professionnels peuvent s’appuyer sur différents outils d’analyse de la pratique mis en place par le département qui permettent de faire appel à des acteurs externes pour analyser la situation de la famille en cas de situation complexe. Ces outils sont assez peu mobilisés par les professionnels dans le cadre des informations préoccupantes.

Le département est en lien, par le recueil des informations préoccupantes, avec une quinzaine de catégories de professionnels, ainsi qu’avec tout particulier désirant le saisir de la situation d’un enfant en danger ou en risque de danger. La lisibilité des missions et de la manière de travailler du Département est ainsi essentielle pour que les UTPAS interviennent au moment le plus adapté, dans l’intérêt de l’enfant. Le turn-over au sein des équipes départementales comme celles des partenaires oblige sans cesse à reposer les bases du travail partenarial.

[Art. 6 et 8 – L’analyse permet d’interroger les conditions favorables à l’échanges de savoirs entre une diversité d’acteurs dans le respect de leur identité culturelle – celles-ci deviennent également conditions du développement de coopération]
Article 7
  • Recueil, traitement et évaluation des IP sont définis par le code de l’action sociale et des familles. L’information « officielle » que reçoivent les familles peut être perçue comme violente et « juridique ». Les familles ne sont officiellement informées de la réception d’une information que lorsque cette dernière est qualifiée de préoccupante. Lorsqu’elle ne l’est pas, les familles ne sont pas toujours informées alors qu’un dossier a été ouvert à leur nom et à celui de leur enfant. Cette pratique devrait évoluer avec le décret du 7 novembre 2013.
[Art. 7 – L’analyse rend compte de la nécessité d’évaluer l’effectivité du droit d’informer et de s’informer pour l’ensemble des personnes concernées et/ou impliquées ; Les conditions mises en œuvre pour respecter le droit à la protection des données personnelles est également un point central des procédures]
Conclusion

L’analyse d’une procédure telle que l’IP au regard des droits permet de déployer le droit à l’information (informer et s’informer). De même, elle permet de le penser en lien avec d’autres droits comme celui de voir respecter son identité culturelle, de se former, de participer à la vie culturelle et de développer des coopérations.

RESSOURCES

 

  • Deydier J., Eymennier M., « Le recueil et le traitement de l’information préoccupante. Une posture nouvelle pour les conseils généraux », Les Cahiers Dynamiques 2010/4 (n° 49), p. 36-44.
  • Laloux N., « Le projet pour l’enfant : une reconnaissance des familles et des professionnels », in Ouvertures de chantiers, Paideia, 2016, p. 36
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